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- Lutte ouvrière n°1835
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Editorial
Un gouvernement ébranlé, une opposition qui ne s’engage pas
Si l'on en croit les derniers sondages, Raffarin rivalise donc avec Juppé pour battre les records d'impopularité d'un chef de gouvernement après à peine plus d'un an d'exercice du pouvoir. Les résultats de ces sondages ne sont pas étonnants. Cette impopularité est la conséquence de sa politique.
Le gouvernement a été déstabilisé par les mouvements sociaux du printemps et de l'été, la grève des enseignants, la lutte contre les atteintes aux retraites, les manifestations des intermittents du spectacle, qui n'ont certes pas réussi à faire vraiment reculer Raffarin, mais qui ont rencontré la sympathie de larges secteurs de la population, comme par la situation tragique des hôpitaux qu'a révélée la canicule. Au point que l'on peut se demander si ce gouvernement arrivera à tenir jusqu'aux élections régionales et européennes du printemps prochain, ou si Chirac ne préférera pas opérer d'ici là un remaniement ministériel, voire un changement de Premier ministre.
Il préférerait certes ne pas devoir en arriver là, mais le prolongement de la situation actuelle peut l'amener à ce choix, à cause en particulier des remous qu'elle suscite au sein de sa propre majorité dont les députés voudraient bien ne pas traîner ce discrédit devant les électeurs.
Raffarin est tellement conscient du fait qu'il ne peut pas compter sur le soutien des couches populaires, que non content d'aller dans tous les domaines au-devant des voeux du Medef, il multiplie les gestes et les déclarations pour flatter la fraction la plus réactionnaire, la plus viscéralement antiouvrière, de l'électorat bourgeois et petit-bourgeois.
Les dernières mesures annoncées concernant la limitation à deux ans du versement de l'Allocation Spécifique de Solidarité, destinée aux chômeurs en fin de droits, vont dans ce sens. Elles ne représenteront en effet qu'une économie dérisoire au niveau du budget de l'État, mais elles contribuent à présenter les travailleurs privés d'emplois comme des fainéants.
Il en est de même des déclarations de Raffarin du genre: «l'avenir de la France, ce n'est pas un immense parc de loisirs», ou de celles affirmant qu'il faut baisser l'impôt sur le revenu pour «encourager ceux qui travaillent». Comme si ceux qui ne paient pas d'impôts sur le revenu, parce que leurs salaires sont trop misérables, étaient des paresseux, alors que les riches, même lorsqu'ils se contentent de vivre de leurs rentes, seraient des gens courageux, dignes de tous les éloges... et de tous les avantages fiscaux.
Ce faisant, Raffarin ne prend pas un gros risque par rapport à l'électorat populaire, parce que, si le Parti Socialiste espère bien que l'impopularité du gouvernement Raffarin lui permettra de revenir un jour prochain aux affaires, il se garde bien d'apparaître en adversaire résolu des mesures que prend la droite.
Jamais on n'a entendu Hollande, Fabius, ou les autres, s'engager, si la gauche gagnait de futures élections, à annuler toutes les mesures prises depuis un an et demi par la droite. Et pour cause: depuis 1981, malgré les multiples alternances gauche-droite au gouvernement, c'est fondamentalement la même politique économique, chaque gouvernement s'inscrivant dans la continuité du précédent. Le Parti Socialiste ne se propose plus depuis longtemps de changer la société, pour sortir d'un système économique qui accumule d'immenses richesses d'un côté, et fabrique de plus en plus de pauvres et d'exclus de l'autre. Et aucun des dirigeants du Parti Socialiste, même parmi ceux qui se prétendent les plus à sa gauche, ne propose de rompre avec cette politique.
Mais cela ne signifie pas que le monde du travail n'ait aucun moyen de mettre un terme à la politique de régression sociale qui est menée depuis des années. Ce ne sont pas les discours de l'opposition parlementaire, mais les mouvements sociaux du printemps dernier, bien qu'ils aient été limités, qui ont ébranlé le gouvernement Raffarin. Cela montre la voie à suivre pour faire ravaler à la bourgeoisie et à son gouvernement ses prétentions à traiter les travailleurs comme des esclaves et à les croire stupides.