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Dans le monde
Irak : Avec les " vols humanitaires "... en vue de futurs marchés
Alors qu'un premier avion, affrété par une organisation humanitaire française et transportant des médecins et des artistes, avait pu atterrir en Irak le 22 septembre, un second avion prévu une semaine plus tard n'a pas reçu les autorisations nécessaires pour survoler certains pays.
Les autorités françaises ont protesté, insistant sur le fait que ces vols, dits humanitaires, n'étaient pas incompatibles avec l'embargo économique qui étrangle l'Irak depuis dix ans.
La population irakienne paie depuis dix ans
Cela fait maintenant dix ans que la population irakienne paie l'invasion du Koweit par les armées de Saddam Hussein. Aux morts et aux ruines causées par la guerre du Golfe et par les bombardements qui continuent, s'ajoutent ceux de l'embargo. Un million et demi de personnes, en majorité des enfants, seraient mortes du fait de la régression économique. En dix ans, le taux de mortalité infantile est passé de 56 à 131 pour mille.
Quant aux infrastructures, leur état de délabrement ne permet plus de répondre aux besoins du pays. Les coupures d'électricité (six heures par jour en moyenne à Bagdad) désorganisent la vie économique et détruisent des stocks de nourriture conservés dans les entrepôts frigorifiques. Les services postaux et bancaires ne fonctionnent qu'au ralenti, les écoles se vident, faisant progresser l'analphabétisme, les hôpitaux manquent de tout, y compris des médicaments de base, la population vit dans un état de sous-alimentation chronique.
L'embargo s'est un peu desserré depuis 1996, avec l'opération " Pétrole contre nourriture ", qui autorise l'Irak à exporter, par phases successives, jusqu'à 5,2 milliards de dollars de pétrole annuellement. Mais ce programme n'empêche pas l'Irak de se trouver relégué parmi les pays les plus pauvres de la planète.
De fait, cet embargo, même desserré, équivaut à la mise sous tutelle du commerce extérieur irakien par les puissances impérialistes. C'est ainsi, par exemple, que seulement 53 % des revenus pétroliers de l'Irak servent à importer des aliments et des médicaments, 30 % étant consacrés à verser des dommages de guerre au Koweit et... à financer les opérations militaires des USA et de la Grande-Bretagne contre l'Irak ! La facture des dommages de guerre est énorme : l'Irak devrait verser 320 milliards de dollars, dont 180 pour le seul Koweit, pour rembourser les 2 600 000 demandes de " réparations ", réparties entre Etats, entreprises et individus. 13 milliards ont déjà été versés mais, au rythme actuel, l'Irak ne pourrait s'acquitter de cette dette qu'en 2050 ou 2060 ! Et s'il devait le faire, cela signifierait pour la population un demi-siècle d'enlisement croissant dans la misère et le délabrement social.
Vers la fin de l'embargo ?
La reprise des vols dits humanitaires, approuvés par la France, la Russie et la Chine, est-elle un premier pas vers la fin de l'embargo pétrolier ? Pour l'instant, rien ne permet de l'affirmer. D'ailleurs, si ces Etats membres du Conseil de sécurité de l'ONU semblent s'affronter aux Etats-Unis et à la Grande-Bretagne sur ce point, ils se défendent de vouloir remettre en cause la " résolution 670 " qui fixait les termes de l'embargo, en affirmant qu'aucune transaction commerciale n'est liée à ces vols.
Seulement, cet embargo ne durera pas toujours, et, sous couvert de " compassion " pour le sort de la population irakienne, la France, puissance de seconde zone, cherche à renforcer la position de ses trusts pour récupérer des contrats lorsque l'Irak aura les moyens de reconstruire son économie, et cela malgré la concurrence des géants anglo-américaines qui, eux, bénéficieront de l'appui des Etats-Unis qui, depuis dix ans, sont maîtres du jeu en Irak. C'est en particulier vrai de TotalFinaElf qui, depuis 1997, multiplie les accords d'exploitation et de prospection en Irak en prévision de ce moment.
Toujours dans le même sens, les autorités françaises se félicitent d'être à l'initiative de la ponction servant, entre autres, à indemniser le Koweit, qui passera en décembre prochain de 30 à 25 % des revenus tirés de la vente du pétrole.
Les gestes diplomatiques du gouvernement français, les voyages des représentants d'ONG humanitaires ouvrent la porte aux Bouygues, Vivendi et autres requins qui voient dans l'Irak une source de profits à venir.
D'ailleurs, la presse américaine a relevé, après le premier vol du 22 septembre, que " les Français (avaient) été vite récompensés ! ", puisque le gouvernement irakien vient de signer un projet d'achat de vingt Airbus...