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Voir : "Kippour", de Amos Gitaï
Ce film est avant tout destiné au public israélien. Celui-ci est constamment abreuvé, depuis l'école, par la propagande sur l'invincibilité et l'héroïsme de l'armée israélienne. La guerre des Six Jours de 1967, où les Israéliens avaient attaqué par surprise, et détruit au sol en quelques minutes, toute l'aviation des pays arabes, n'était-elle pas l'illustration de cette écrasante supériorité ?
Mais en 1973, cette fois, ce furent les pays arabes, essentiellement la Syrie et l'Egypte, qui ont attaqué par surprise, le 6 octobre, le jour de la fête juive du " Kippour ", où l'armée israélienne était largement démobilisée. Pendant une semaine environ, ce fut pour l'armée israélienne un désastre : les Syriens réoccupèrent la quasi-totalité du plateau du Golan, que les Israéliens avaient conquis en 1967. Le 7 octobre au soir, les Israéliens avaient perdu 80 % des blindés engagés sur le Golan ce jour-là ! Et pendant ce temps, l'armée égyptienne franchissait le canal de Suez.
Quelques jours plus tard, les Israéliens réussissaient péniblement une contre-offensive sur le Golan, puis refranchissaient le canal de Suez. La guerre s'acheva les 23-24 octobre sur injonction de l'ONU, et une force d'interposition de " casques bleus " fut envoyée sur place. Durant ces quelques jours de conflit, les Israéliens eurent 3 000 morts et 8 000 blessés, et les Arabes environ trois fois plus.
Le film d'Amos Gitaï montre uniquement les six premiers jours de la guerre sur le Golan. Deux jeunes soldats israéliens tentent de rejoindre leur unité. Ils sont plutôt contents : enfin une vraie guerre à laquelle ils sont en âge de participer. Un officier matamore parle d'être " à Damas en deux jours ". Seulement, c'est partout la pagaille. Les embouteillages sur les routes gênent les convois militaires. Des officiers hurlent " Ne restez pas là, les Syriens arrivent ! "
Finalement, les deux jeunes se font " embaucher " par un médecin militaire dans une équipe chargée d'évacuer les blessés et les morts du champ de bataille. Ce qui fut d'ailleurs exactement le rôle que tint le soldat Amos Gitaï à ce moment-là, avant d'être blessé, comme dans le film. Vu sous cet angle, la guerre n'a rien de glorieux : il faut sortir des chars les grands brûlés. Et dans la boue du Golan, car la pluie s'y met, l'équipe harassée ne parvient même plus à extraire un blessé de la glaise, et doit l'abandonner, mort.
Le film ne montre pas de scène de bataille à proprement parler, on n'y voit que des évacuations plus ou moins catastrophiques des blessés. Les soldats n'y parlent guère : pas de discours, pas le moindre sentiment antimilitariste affiché. D'ailleurs, à ce moment-là, les Israéliens se défendaient.
Mais ce que le film veut montrer, c'est que la guerre, pour les Israéliens eux-mêmes, n'a pas qu'une face glorieuse avec une quasi-impunité : il y a le revers, la boue, le sang, les amputations, la défaite momentanée.
Amos Gitaï, par ailleurs réalisateur de Kadosh, un film contre l'intégrisme religieux juif, dénonce simplement la guerre. Il n'y est même pas question des Arabes : on n'en voit pas un.
Amos Gitaï est un réalisateur de gauche, qui défend l'idée que la paix avec les pays arabes et avec les Palestiniens ne peut venir que de la négociation.
Depuis la guerre du Kippour, l'armée israélienne a eu d'autres occasions de se retrouver dans des bourbiers sanglants : au Sud-Liban, puis en Palestine même avec l'Intifada, dont la reprise actuelle montre, que vraiment rien n'est règlé.
Amos Gitaï dit que la guerre, c'est la pire des choses. On peut estimer que ce propos est insuffisant. Mais c'est déjà ça...