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Leur société
Jospin nous fait une fausse retraite
Les propositions de Jospin sur les retraites ont pu apparaître comme un recul par rapport aux indications fournies par les rapports émanant du gouvernement et de ses services. Le ton était tout autre que celui du rapport Charpin, publié voici plus d'un an, et qui évoquait la perspective de prolonger jusqu'à 42,5 ans la durée de cotisations donnant droit à une retraite entière, s'appliquant à tous les salariés.
Plus question non plus de remettre en cause les régimes spéciaux de retraite (SNCF, RATP en particulier). Jospin a insisté sur sa volonté de maintenir le système de retraite par répartition.
Cela a suffi pour qu'à gauche, on se félicite des orientations annoncées ; Ayrault, président parlementaire du PS, tout comme Bocquet, pour les députés du PCF, ont exprimé leur satisfaction devant la volonté de concertation affichée par Jospin (Bocquet critiquant tout de même l'allongement proposé du temps de cotisations des fonctionnaires).
Pourtant, derrière les phrases ronflantes et par-delà les déclarations de bonnes intentions, on constate que la logique de Jospin n'est en rien différente de celle de ses prédécesseurs visant à diminuer le montant des pensions et retraites. Il n'a nullement remis en cause le système de calcul prenant en compte les 25 meilleures années pour le calcul de la retraite, au lieu des 10 meilleures antérieurement. Or cette modification, introduite par Balladur en 1993 pour le secteur privé, aboutit à diminuer le montant des retraites, et elle devrait être retirée. Mais Jospin considère cela comme un acquis, tout comme le passage de 37,5 années de cotisations à 40 années introduit en 1993 par le même Balladur. Et il a repris en compte la proposition de Juppé d'aligner la durée de cotisations des fonctionnaires sur celle du privé.
Les arguments sont toujours les mêmes : l'équilibre des comptes, l'équité (car pour ces gens-là, être équitable c'est toujours aligner vers le bas)... La seule différence est dans la méthode choisie : Juppé avait voulu passer en force, Jospin avance à pas feutrés, se propose d'obtenir l'accord complice de quelques syndicats et évite soigneusement d'attaquer toutes les catégories de front en écartant - pour le moment du moins - toute remise en cause du régime de retraite des cheminots et du personnel de la RATP, fers de lance des grèves de décembre 1995.
Sur le reste, même s'il n'y a pas de décisions précises pour le moment, le message est clair : pas un mot sur la revalorisation des retraites et par contre la volonté " d'aider les salariés par la mise en place d'instruments d'épargne à long terme, collectifs et négociés ", ce qui revient à favoriser le développement des fonds de pension... sans les nommer.
Cette duplicité n'étonnera personne : on a eu droit à la même opération avec la loi Aubry, présentée comme un cadeau fait aux salariés, et qui impliquait là aussi concertation et discussion. On en mesure maintenant tous les effets néfastes.
La négociation proposée par Jospin sur les retraites masque (mal) la volonté de s'attaquer aux conditions d'existence des salariés.
Il n'y a donc aucune raison d'attendre pour réagir. Au contraire, alors que ce gouvernement montre déjà sa faiblesse face aux personnels de l'Education nationale, des Impôts ou des hôpitaux, ce serait le moment de faire converger les luttes des travailleurs, du secteur public comme du secteur privé, sur des objectifs communs à tous, dont celui d'obliger Jospin à remiser ses projets sur la retraite et à ramener à 37 ans et demi la durée de cotisations exigée pour les salariés du privé, portée à 40 ans en 1993 par Balladur.
Il faut souhaiter de ce point de vue que la journée d'action décidée par les fédérations syndicales pour le 30 mars soit un premier pas vers cette riposte nécessaire.