CHU de Dijon : décès dramatique07/12/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/12/2836.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

CHU de Dijon : décès dramatique

À la suite du décès d’une patiente de 77 ans, une famille a porté plainte contre le CHU de Dijon. Publiquement, ce qui est apparu est que la malade, entrée pour une fracture du fémur, serait morte de faim, à force de reports successifs de son opération.

Cette information est choquante en soi, même si mourir de faim en quelques jours n’est guère pensable, a fortiori aussi entouré et surveillé qu’on devrait l’être dans un hôpital. Une enquête a été ouverte qui aujourd’hui encore est loin d’avoir abouti. Beaucoup de points restent à éclaircir, mais la façon même dont cette patiente, entrée via les Urgences, a d’abord été ­admise en Chirurgie gynécologique, avant de pouvoir être transférée en Traumatologie, le service dédié, qui n’avait pas de place pour l’accueillir à son arrivée, est caractéristique. En Trauma­tologie, l’opération a été prévue puis reportée pendant quatre jours successifs, avant que l’état de cette patiente se dégrade. C’est ainsi que, chaque jour, elle a été laissée à jeun le matin en vue d’être opérée, jusqu’au soir où, finalement, elle pouvait recevoir à manger (mais l’a-t-elle fait ?) car l’opération devait être reportée au lendemain, et ainsi de suite.

Il est évidemment scandaleux que l’on puisse encore, au 21e siècle, rester une semaine hospitalisé sans même pouvoir être opéré, et pour finir mourir d’une simple fracture. Mais ce drame a aussi mis en lumière la situation catastrophique dans laquelle l’hôpital de Dijon vit actuellement, et qui est un scandale d’un autre type : il a été mis en coupe réglée et subit un démantèlement systématique.

Il manque tellement de personnel au bloc opératoire que, bien souvent, une seule salle peut être ouverte pour les opérations urgentes, et des interventions jugées prioritaires, vitales, passent avant les fractures. Les chirurgiens n’arrivent plus à opérer. Certains transfèrent leurs malades dans les cliniques de l’agglomération, d’autres vont eux-mêmes les y opérer pour pouvoir disposer d’une salle et de personnel de bloc.

On assiste à une destructuration presque volontaire contre le personnel, son ­organisation, les protocoles de soins même, qui étaient autant de barrières de sécurité protégeant les patients. Si les reports d’intervention avaient déjà lieu dans le passé, aujourd’hui ils sont ­devenus la norme, et de un ou deux jours, on est passé à six ou sept. Ces reports successifs désorganisent complètement l’activité, et la prise en charge des malades en est bouleversée. Cette désorganisation est en fait le résultat de choix volontaires de la part des décideurs, c’est presque une façon de faire passer leur politique de démantèlement des hôpitaux. L’hôpital, ses gros budgets de fonctionnement, ses mille et un domaines d’activité, et même le caractère vital des besoins auxquels il répond, excitent bien des appétits. Visiblement, beaucoup voudraient transformer les services les plus rentables et faire en sorte que le flot des malades soit détourné vers l’extérieur, là où ils sauront en tirer profit. Chaque secteur découpé en confettis est une occasion pour un laboratoire de placer telle ou telle nouvelle technologie, pour un fournisseur de placer tel produit, de vendre tel service, pour une clinique privée de s’emparer de tel ou tel secteur particulièrement rentable.

Dans cette guerre pour dépecer ainsi les hôpitaux et en faire autant d’occasions de profit, démolir les équilibres antérieurs est une première étape indispensable, avant que des appétits financiers puissent se glisser dans tous les interstices.

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