Argentine : mort d’une Mère de la place de Mai07/12/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/12/2836.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Argentine : mort d’une Mère de la place de Mai

Hebe de Bonafini, qui vient de mourir, à 93 ans, était la principale porte-parole des Mères de la place de Mai. Ces mères de militants argentins assassinés par l’armée avaient osé, en pleine dictature militaire, entre 1976 et 1983, protester et exiger de connaître le sort de leurs enfants.

C’est la disparition en 1977 de ses deux fils, Jorge et Raúl, des militants communistes, enlevés puis assassinés par les militaires, qui a transformé la vie de Hebe pour toujours. Avec d’autres femmes à la recherche du sort de leurs enfants disparus, elles se retrouvaient chaque jeudi sur la place de Mai à Buenos Aires, non loin du palais gouvernemental, pour une ronde de protestation.

Les militaires les traitaient de folles. Il fallait oser en effet braver ainsi une dictature qui arrêtait, enlevait, torturait et assassinait. On estime le nombre des victimes à 30 000, dont 30 % étaient des ouvriers, militants de gauche et d’extrême gauche. En 1979, Hebe est devenue la présidente des Mères, quand celles-ci se constituèrent en association. Quand la dictature s’écroula en 1983, les procès des militaires débouchèrent sur deux lois… les protégeant ! Il y avait cependant une faille dans laquelle les Mères s’engouffrèrent, concernant le sort fait aux enfants des militantes enceintes, que l’armée avait laissées accoucher sur les lieux de détention avant de les assassiner. Leurs enfants avaient été ensuite adoptés par des militaires, des policiers ou des bourgeois. Les Mères mirent sur pied un centre pour que des jeunes puissent venir consulter des dossiers et comparer les ADN. Sur quelque 500 enfants volés par l’armée, environ le quart ont été ainsi retrouvés, parfois des dizaines d’années après.

Hebe a mené aussi d’autres combats, continuant de manifester chaque jeudi pour dénoncer les attaques contre les classes populaires, notamment les privatisations et les licenciements dans les années 1990. En décembre 2001, lors du krach de l’économie argentine, les Mères furent réprimées par la police à cheval. Par la suite, Hebe a apporté son soutien aux gouvernements de Nestor puis Cristina Kirchner, à Castro à Cuba, à Chavez au Venezuela. Quoi qu’on pense de ses prises de position politiques, elle a été jusqu’à la fin de sa vie une militante, restée aussi courageuse et tenace qu’il y a quarante-cinq ans, quand elle entama son combat.

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