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Tchad : Macron soutient la dictature

Emmanuel Macron s’est rendu le 23 avril aux funérailles du président tchadien Idriss Déby pour tresser des lauriers à celui qui fut un dictateur sanglant. « Cher Président, cher Maréchal, cher Idriss (…) vous avez vécu en soldat, vous êtes mort en soldat », a commencé Macron pour son éloge funéraire, avant de poursuivre : « La France ne laissera jamais personne, ni aujourd’hui ni demain, remettre en cause la stabilité et l’intégrité du Tchad. »

Après la mort d’Idriss Déby, tué en guerroyant contre une rébellion, Macron veut pouvoir continuer à compter sur l’armée tchadienne pour défendre les intérêts de l’impérialisme français en Afrique. Ses paroles étaient donc aussi une manière d’adouber son fils, Mahamat Déby, qui s’est d’emblée imposé à la tête de l’État, flanqué d’une junte militaire, et se voit déjà contesté.

Les manifestants sont descendus dans la rue mardi 27 avril, brandissant des pancartes « Non à une monarchie au Tchad », mais aussi « Non aux soutiens de la France », visant le clan Déby pour le rôle de supplétifs de l’armée française qu’il fait jouer aux militaires tchadiens. Les forces de répression ont tiré, faisant au moins cinq morts. De leur côté certains membres de la famille du dictateur défunt ne se résignent pas à avoir été écartés. Quant à l’armée tchadienne, elle pourrait bien éclater en bandes rivales, elle qui était surtout soudée par la fidélité à son chef. Autant dire que la stabilité au sujet de laquelle Macron s’inquiète est loin d’être assurée.

Idriss Déby avait été réélu pour la sixième fois quelques jours avant sa mort. La campagne électorale, si l’on peut employer ce nom, avait été un condensé de violences et de répression. Les manifestations appelées par les syndicats, les partis d’opposition et les organisations humanitaires avaient été interdites et sauvagement réprimées. De nombreux manifestants avaient été passés à tabac, fouettés ou battus à coups de bâton par l’armée et la police, et certains entraînés dans les commissariats pour y être torturés à l’électricité. Le 28 février, les forces de répression avaient attaqué la maison d’un des principaux candidats, Yaya Dillo, tué sa mère de 80 ans et blessé cinq autres membres de sa famille.

Idriss Déby a dû la longueur de son règne au soutien ininterrompu des présidents français pendant plus de trente ans. Après un séjour dans une école militaire française en 1985, il était devenu le conseiller militaire du dictateur tchadien alors au pouvoir, Hissène Habré, qui était soutenu par la France. Il l’avait remplacé en 1990 à l’issue d’un coup d’État mené sous la houlette des services secrets français, qui voyaient avec déplaisir le président tchadien se tourner vers les USA. Depuis, le soutien de l’armée française n’avait jamais fait défaut à Idriss Déby.

En 2008, alors que des rebelles étaient entrés dans la capitale N’Djamena, les militaires français avaient occupé l’aéroport sous prétexte de préparer l’évacuation des Européens. Ils avaient surtout permis d’approvisionner l’armée d’Idriss Déby en armes et en munitions et de renverser la situation à son profit.

Plus récemment, en février 2019, les Rafale français avaient détruit une colonne de rebelles marchant sur la capitale. C’est aussi à N’Djamena qu’est installé le poste de commandement du G5 Sahel, et que sont positionnés les bombardiers français capables d’intervenir dans tous les pays d’Afrique.

Idriss Déby choyait son armée, qui dévore une grande partie du maigre budget national d’un pays qui manque d’hôpitaux, d’écoles et plus généralement de tout service public. Il l’équipait en armes modernes et laissait les militaires faire ce qu’ils voulaient.

Les chefs, souvent issus de son cercle familial, ont ainsi amassé des fortunes en trafics, marchés publics détournés ou confiscation de troupeaux. Les hommes du rang quant à eux jouissent de l’impunité pour voler la population pauvre et s’en prendre aux femmes, allant parfois jusqu’à les fouetter.

Cette armée a garanti le pouvoir d’Idriss Déby, mais elle a aussi été sa carte de visite auprès des grandes puissances. Lorsque l’armée française est intervenue au Mali en 2013, c’est aux troupes tchadiennes qu’elle a fait appel pour pourchasser les djihadistes retranchés dans leur repaire du massif des Ifoghas.

En Centrafrique, les soldats tchadiens sont intervenus en soutien à l’armée française. Les États-Unis également sont redevables à Idriss Déby qu’ils ont longtemps appuyé en vertu du soutien qu’il leur apportait face au dictateur soudanais Omar el-Bechir, aujourd’hui renversé.

Ils ont continué à le faire pour l’aide apportée au Nigéria à la lutte contre Boko Haram. Même la Chine était redevable au dictateur puisqu’il l’a fait bénéficier d’une bonne partie du pétrole tchadien découvert en 2003.

C’est devant les méfaits de ce président criminel qu’est venu s’incliner Emmanuel Macron à N’Djamena, préoccupé de tout faire pour qu’une dictature odieuse, mais alliée de l’impérialisme français, se perpétue au Tchad.

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