Nathalie Arthaud dimanche 8 juin : « Redonner confiance aux travailleurs dans leur force collective »11/06/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/06/une2393.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

La Fête de Lutte Ouvrière

Nathalie Arthaud dimanche 8 juin : « Redonner confiance aux travailleurs dans leur force collective »

(...) Pour la première fois, le Front national est arrivé en tête d'une consultation électorale. (...) Cette poussée continue n'est pas une surprise, mais elle n'en est pas moins dangereuse. D'autant plus que le Front national fait une percée dans les classes populaires, auprès d'ouvriers, d'employés, de chômeurs.

L'influence du Front national grandit quasi mécaniquement, à la faveur de la crise et du discrédit des deux partis qui se relaient traditionnellement au pouvoir. Mais son ascension n'est pas irrésistible !

Dans les classes populaires, le vote Front national est le vote de travailleurs déboussolés. C'est le vote de travailleurs prêts à vendre leur âme au diable dans l'espoir que cela change quelque chose. C'est le vote de travailleurs perdus, sans perspectives.

Pour combattre l'influence du FN dans la classe ouvrière il faut redonner confiance aux travailleurs. Il faut qu'ils prennent conscience de leur bon droit et leur redonner confiance dans leur force collective et dans leur capacité à défendre leurs intérêts, à les défendre, d'abord et avant tout, contre la politique du gouvernement entièrement dévoué au patronat.

Le PS récolte ce qu'il a semé

Les dirigeants du PS déplorent une « crise de confiance politique », mais ils récoltent ce qu'ils ont semé ! (...) Le discrédit de Hollande est si profond que même la nomination de Valls au poste de Premier ministre n'y a rien changé. (...)

Ce n'est pas la première fois que les socialistes au pouvoir font le contraire de ce qu'ils avaient promis aux travailleurs, pour satisfaire aux exigences de la bourgeoisie. En 1956, Guy Mollet, qui avait fait campagne en promettant la paix en Algérie, intensifia la guerre une fois élu en envoyant le contingent se battre en Algérie. Il signait ainsi l'effondrement politique du Parti socialiste, qui mit plus de vingt ans pour s'en remettre. Mitterrand, qui avait fait campagne sur la « rupture avec le capitalisme », imposa à partir de 1983 le tournant de la rigueur.

Hollande est de ces responsables politiques, qui ne renient rien des Guy Mollet ou des Mitterrand et qui ont fait leurs classes politiques dans la perspective de gérer les affaires des capitalistes, quels que soient les sacrifices à imposer aux travailleurs.

Le centenaire de la guerre de 1914 nous rappelle que c'est à cette époque que le PS, qui se revendiquait de la classe ouvrière et de la révolution, a basculé du côté de la bourgeoisie et a trahi de la pire des façons.

Mais, pendant des dizaines d'années, sa base est restée ouvrière. Si le PS était devenu un parti bourgeois par ses sommets, il comptait nombre de militants et sympathisants, dans la classe ouvrière, qui continuaient à véhiculer l'idéal de la transformation sociale.

Aujourd'hui, le PS est un parti bourgeois de la tête aux pieds. (...)

Cela fait longtemps que rien ne rattache le PS aux travailleurs, si ce n'est le fait de courtiser leurs voix à chacune des élections. Eh bien, il ne faut plus que les travailleurs soient liés au PS de quelque manière que ce soit. Ce parti n'est pas de notre bord, il ne nous représente en rien. (...)

La comédie électorale à trois

Le discrédit du PS, auquel s'ajoute celui de son frère jumeau l'UMP, laisse de l'espace pour le Front national. À la fausse alternance gauche-droite va succéder une comédie électorale à trois « grands » partis, comme ils disent, en concurrence pour la mangeoire, mais tous prêts à gouverner en représentants serviles de la bourgeoisie.

Car le Front national est un parti bourgeois, dévoué comme les autres au système, respectueux des possédants, de la propriété privée, de l'exploitation. Le FN n'a rien contre le patronat, rien contre ses dividendes, ses profits, rien contre les bas salaires qu'il impose. Pour Marine Le Pen, ce ne sont pas les capitalistes, la concurrence et la course à l'accumulation qui sont responsables de la crise. Ce sont les étrangers, des travailleurs comme nous tous ici, qu'elle accuse de causer le chômage et la misère ! (...)

Elle se surveille et use d'un discours policé. Mais elle sait que les plus réactionnaires, les plus racistes, les calotins comme les nostalgiques des colonies, lui sont acquis, et surtout que son père s'en occupe. Le mot sordide de Jean-Marie Le Pen, sur « monseigneur Ebola » qui pourrait régler en trois mois le problème de surpopulation en Afrique, était destiné à ce public-là.

Le Front national est un parti bourgeois de plus, mais un de ceux qui représentent les forces les plus réactionnaires, les plus antiouvrières qui soient. (...)

De la droite à la gauche, jusqu'au Front de gauche, tous ont embouché les trompettes protectionnistes, nationalistes. Tous n'ont que le mot « patrie » à la bouche, la « France et sa grandeur » !

Alors, il ne faut pas s'étonner que les racistes se sentent confortés et ne se gênent plus pour proférer leurs horreurs à voix haute ! Il ne faut pas s'étonner qu'à tout cela réponde le repli sur soi et le communautarisme. Ni que, dans cette atmosphère saturée de préjugés racistes, des fous de Dieu arrivent à enrôler des jeunes plus paumés les uns que les autres.

Et, à tout cela, il faut ajouter encore la faune que le FN charrie dans son sillage et dont la spécialité est de se faire la main sur les immigrés, les homosexuels et les gauchistes, comme ils disent. Il y a ces groupuscules néo-nazis, qui ont déjà plusieurs meurtres à leur actif.

Marine Le Pen peut s'en démarquer, elle peut les renier. Mais ces groupes existent et les succès électoraux du FN ne font que les renforcer. Ce ne sont peut-être que des voyous, ce ne sont peut-être que des ratés mais, s'ils croient que l'opinion publique leur donne raison, ils passeront aux actes. C'est justement ce genre de voyous qui ont servi de cadres au fascisme !

Marine Le Pen vise, pour le moment en tout cas, à occuper la place de l'UMP et à transformer le FN en parti de droite classique. Mais d'autres forces sont en mouvement et elles créent les conditions d'un engrenage dangereux. Un engrenage dont un des rouages essentiels est le Front national. (...)

Alors, il faut tout faire pour arracher les travailleurs à l'influence du FN. Il n'est pas trop tard. Entre un vote de protestation et une adhésion aux positions du FN, il y a de la marge. Une marge qu'il faut mettre à profit pour discuter, pour convaincre, pour entraîner les travailleurs dans les luttes qu'ils ont à mener.

Car il ne s'agit pas de faire, comme le PS ou le Front de gauche, la morale sur le fait de bien voter, ou sur les vertus qu'aurait la République, que ce soit la cinquième ou la sixième.

Il ne s'agit pas de construire des combinaisons politiciennes censées servir de rempart électoral au FN. Ces manoeuvres politiciennes et électoralistes sont puériles, au moment même où un nombre croissant d'électeurs ont compris tout ce qu'elles avaient de mensonger et d'illusoire.

Il faut opposer au FN des perspectives qui sont propres aux travailleurs, la défense de leurs intérêts, sur la base des moyens qui leur sont propres : les luttes collectives et conscientes.

Retrouver le chemin de la lutte de classe

Il faut dire et redire que nous ne sommes pas condamnés à nous sacrifier, que nos exigences sont mille fois légitimes et que la question du rapport de force dépend surtout de nous, les travailleurs, de ce que nous avons dans la tête, de la force que nous sommes capables d'opposer au patronat, de notre combativité. Il faut retrouver le chemin de la lutte de classe.

C'est notre devoir à nous, révolutionnaires. Mais ce travail militant peut rassembler, au-delà de nos rangs, tous ceux déçus de la gauche, qui ont compris que, s'il n'y a pas de réaction du côté du monde du travail, nous sommes dans une impasse.

Si des milliers de militants ouvriers, notamment ceux qui militent dans les syndicats, avaient ce type de démarche, allaient au contact de leurs collègues électeurs du FN, discutaient, leur expliquaient la situation, les entraînaient à réagir collectivement, cela compterait.

Ensemble, nous pouvons regagner une partie de la classe ouvrière au combat qui lui est propre. Mais cela suppose d'être soi-même convaincu de la capacité des travailleurs et de leur faire confiance.

Ce ne sont pas les travailleurs qui ont failli à leur tâche, ce sont les directions des partis qui prétendaient représenter les intérêts des exploités. Les travailleurs, eux, n'ont cessé de se battre, comme ils le pouvaient, avec les militants qui restaient.

Si l'on veut sortir de l'impasse à laquelle nous acculent les directions du PS, du PC ou du PG, il faut montrer qu'il y a des militants qui ne se résignent pas. Qu'il y a des militants qui, à l'opposé du FN, veulent changer la société.

Si le dégoût de la politique, le sentiment de trahison et la démoralisation ont pris le dessus, il en est de la responsabilité de la gauche, du PS mais aussi et surtout du Parti communiste, car c'est lui qui avait l'influence sur les militants ouvriers. Après le PS, le PC lui-même a abandonné toute perspective de renverser la bourgeoisie, il s'est intégré à la société pourrie du capitalisme et en a assumé le pouvoir. Chaque participation du Parti communiste au pouvoir a érodé un peu plus son crédit dans la classe ouvrière. (...)

Reconstruire un Parti communiste révolutionnaire

Eh bien, il faut reconstruire. Reconstruire sans faire les mêmes erreurs, sans retomber dans les mêmes illusions. Ce n'est pas d'un énième parti de gauche dont les travailleurs ont besoin, mais d'un parti ouvrier qui parte du point de vue et des intérêts des travailleurs, pour qu'à l'opposé du FN il existe un parti ouvrier révolutionnaire. (...)

Un parti ouvrier révolutionnaire n'est pas utile seulement en temps de révolution. Il l'est dans les combats quotidiens d'aujourd'hui, les petits et les grands. Il l'est même quand le seul combat est celui de la parole.

Il l'est aujourd'hui, pour arracher les travailleurs que l'on peut à l'influence du FN et pour montrer qu'aux antipodes des idées du FN il y a un parti ouvrier qui veut non seulement s'opposer à tous les politiciens, mais qui a pour perspective la fin de l'exploitation et l'émancipation des travailleurs.

Un parti qui permettra aux travailleurs, lorsqu'ils se lèveront et contesteront la société, d'aller aussi loin qu'ils le décideront. Car ce parti, contrairement aux autres, n'a pas de fil à la patte, pas de carriéristes, n'est en rien lié à ce système, car il ne rassemble que des travailleurs dont le sort est lié et qui n'ont rien à perdre au renversement de la société. Un parti de femmes et d'hommes qui ont d'abord et avant tout confiance dans la classe ouvrière et dans sa capacité à changer les choses. (...)

« Choisissez le Parti de la révolution ! »

Et je tiens à dire aux jeunes, préoccupés à juste titre par le tour de plus en plus réactionnaire que prend la société, de prendre part à ce combat, qui n'est pas seulement un combat pour l'émancipation de la classe ouvrière, mais un combat pour libérer la société de l'arriération.

Les préjugés nationalistes, racistes, comme les idées rétrogrades, par exemple sur la place des femmes dans la société ou sur le sens de la vie, ne disparaîtront que si la société se transforme en profondeur, que si l'exploitation laisse place à une société libre, où chacun prendra part à la vie sociale tout en choisissant sa vie, que si la société prend un cours humain.

Réaliser cela ne dépend d'aucune élection, d'aucun combat électoral, ni même d'aucune manifestation destinée à combattre le FN, mais du combat des travailleurs, car ils forment la seule force révolutionnaire, la seule force sociale qui n'a rien à perdre à la révolution et la seule force capable de fonder une autre société.

Les révolutionnaires de la classe ouvrière, Marx, Lénine, Trotsky, n'étaient pas seulement révoltés par l'exploitation capitaliste. Ils combattaient tout ce qui rabaissait l'homme, les rois, l'Église, les conservatismes et les préjugés de toute sorte.

Par vocation, les partis révolutionnaires ont toujours été les représentants du progrès, faisant confiance aux progrès techniques et scientifiques, mais aussi aux progrès sociaux et au progrès humain. Votre jeune âge fait que vous êtes tournés vers l'avenir. Alors, n'acceptez pas tous ceux qui veulent vous ramener en arrière. Choisissez le parti de la révolution !

Et chacun peut prendre part à ce combat, en tout cas à sa préparation, ne serait-ce que dans les têtes.

Nous sommes une petite organisation, bien sûr. Mais nos camarades, qui défendent nos idées depuis des décennies, les camarades ouvriers qui militent dans les entreprises et dans les quartiers populaires, ont pu démontrer la continuité de leur engagement et la force de leurs convictions.

Et ils seront encore là demain, pour continuer de transmettre à d'autres les idées et les pratiques dont ils sont porteurs !

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