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Leur société
Vaccins : des prix exorbitants et à qui ils profitent
L’entreprise américaine Moderna, qui fabrique un des vaccins contre le coronavirus, a publié jeudi 25 février ses résultats pour l’année 2020. Ses déclarations à cette occasion lèvent un tout petit coin du voile sur les profits monstrueux que les grands groupes pharmaceutiques sont en train de réaliser.
L’année 2020 a été profitable, avec un chiffre d’affaires de 800 millions d’euros, pour cette entreprise qui n’était qu’une grosse start-up il y a peu. 2021 sera une année exceptionnelle. Les dirigeants de Moderna ont annoncé qu’ils ont déjà signé des contrats pour 600 à 700 millions de doses, pour un total de plus de 15 milliards d’euros. Mais le plus impressionnant est ce qu’on apprend sur les coûts de fabrication. Ceux-ci ne représenteraient que 4 % du prix de vente. Une dose de vaccin vendue en moyenne 21 euros ne coûterait que 84 centimes à produire !
Avec une telle marge, on comprend pourquoi toutes les négociations entre les géants pharmaceutiques et les États ont été maintenues secrètes. Et pourquoi, quand l’Union européenne a rendu publics certains contrats, toutes les informations importantes, comme les prix des vaccins, les calendriers de livraison et les sommes avancées par les États, étaient noircies pour être illisibles.
On a pu avoir une petite idée de ce que ces États de l’Union européenne ont payé grâce une gaffe de la secrétaire d’État au Budget belge, qui a publié sur son compte Twitter les prix négociés pour les différents vaccins : de 1,78 euro la dose pour celui d’AstraZeneca à plus de 15 euros pour celui de Moderna, en passant par 7,56 euros pour celui projeté par Sanofi. Mais qu’est-ce qui justifiait tous ces prix et leur différence ?
Les laboratoires ont négocié en prenant en compte la quantité de vaccins achetés et les délais de livraison, et en avançant différents arguments de vente. Les dirigeants de Moderna affirment que leur vaccin d’un type très nouveau, dit à ARN messager comme celui de Pfizer, a nécessité de lourds investissements de 1,4 milliard d’euros, une somme dérisoire au regard des bénéfices à venir et dont au moins la moitié a été financée par les subventions publiques. Moderna et Pfizer ont surtout profité du fait qu’ils étaient les premiers à sortir un vaccin très efficace, sans concurrence immédiate, à un moment où l’épidémie reprenait en Europe et en Amérique, et ont pu vendre leur produit à un prix très élevé.
AstraZeneca, lui, s’est vanté de vendre son vaccin à prix coûtant. En réalité, ce trust pharmaceutique, peu spécialisé dans les vaccins, a mis la main sur la licence du vaccin conçu par le laboratoire de l’université anglaise d’Oxford, et c’est celui-ci qui lui a imposé la clause du prix coûtant. Mais non seulement AstraZeneca l’a contournée en trouvant le moyen de se faire donner plus de 1,7 milliard d’euros de financements publics pour produire ces vaccins mais, en plus, cette clause du prix coûtant sera levée d’ici quelques mois, peut-être dès juillet 2021.
Les prix des vaccins peuvent être aussi élevés parce qu’ils ont été fixés avec la complicité des dirigeants des États européens les plus puissants. Lors des négociations avec les grands groupes pharmaceutiques, ces États ont nommé sept supernégociateurs dont les noms sont restés secrets. Mais la presse belge a révélé que le négociateur envoyé par la Suède était l’ancien directeur de la Fédération européenne des associations et industries pharmaceutiques. Et ce n’est pas pour rien que les deux premiers contrats signés en août puis en septembre l’ont été d’abord avec AstraZeneca, puis avec le français Sanofi, alors même qu’il était déjà très en retard dans la conception de son vaccin et n’avait même pas commencé le moindre essai clinique.
Tout ce qu’on sait sur ce marché des vaccins n’est qu’un petit bout de la réalité. Secret commercial oblige, on apprend les choses incidemment, parce qu’un ministre fait une bourde ou à partir des déclarations triomphalistes des capitalistes eux-mêmes. Il n’y a que si les travailleurs de l’industrie pharmaceutique et les fonctionnaires de l’État pouvaient rendre public ce qu’ils voient passer sous leurs yeux chaque jour, que l’on pourrait vraiment savoir ce qui se passe. On saurait ainsi pourquoi les vaccins sont aussi chers et aussi rares, alors que l’humanité en a un besoin urgent pour lutter contre l’épidémie et pour sauver des vies.