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Ouganda : Museveni et l’impérialisme auraient leur place sur le banc des accusés
Le 4 février, la condamnation, à La Haye aux Pays-Bas, du seigneur de guerre ougandais Dominic Ongwen par la Cour pénale internationale (CPI) a été commentée comme une avancée de la justice internationale.
Il n’y a aucun doute qu’Ongwen est coupable d’exactions commises en Ouganda à la tête de troupes de l’Armée de résistance du seigneur, la LRA selon les initiales en anglais. Mais sa trajectoire personnelle ne doit pas faire oublier que la barbarie qui a ravagé et ravage encore l’Ouganda, et plus largement l’Afrique des Grands Lacs, est intimement liée à la domination des puissances impérialistes sur le continent africain.
L’Ouganda est une création artificielle de la période coloniale et de la décolonisation. La Grande-Bretagne avait mis la main sur la région et quand elle a dû se retirer, dans les années 1950-1960, les États-Unis ont pris le relais. Depuis l’indépendance, guerres civiles et conflits régionaux n’ont jamais cessé. Les puissances occidentales se sont appuyées sur, ou se sont accommodées en Ouganda des régimes dictatoriaux, dont celui de l’ancien sous-officier de l’armée britannique Idi Amin Dada, au pouvoir de 1971 à 1979.
Parvenu ensuite au pouvoir en 1986 à la tête d’un groupe armé, et réélu en janvier dernier président de la République à 76 ans, Museveni a imposé sa dictature depuis plus de trente ans. Le soutien que lui ont apporté les États-Unis, qui conservent une base militaire permanente à Entebbe, ne lui a jamais manqué, même si, l’âge venant, Washington aimerait bien une relève en douceur.
La LRA fut fondée en 1987 contre Museveni. Beaucoup plus que son programme visant à installer un État fondé sur les Dix commandements de la Bible, ce sont les exactions de l’armée de Museveni dans le nord de l’Ouganda qui ont permis à la LRA de recruter. La guerre avec le pouvoir central est devenue totale et allait durer jusqu’en 2005-2006. La LRA fut alors chassée du nord de l’Ouganda et se dispersa en République démocratique du Congo, en Centrafrique ou au Soudan du Sud, où elle continua ses exactions.
Le conflit aurait fait 100 000 morts, et 60 000 personnes auraient été enlevées. Dominic Ongwen est lui-même emblématique de ce qu’a été la LRA. En 1990, celle-ci le capturait, à l’âge de dix ans, comme des milliers d’autres enfants, pour en faire un enfant-soldat, devenu un chef au début des années 2000, le seul actuellement en vie avec Joseph Kony, le fondateur de la LRA toujours en fuite. Après avoir été victime, Ongwen est devenu bourreau.
C’est en 2004 que la CPI, fondée en 2002, a ouvert une enquête et a délivré des mandats d’arrêt contre les chefs de la LRA, à la demande de Museveni. La démarche du dictateur était tout à fait recevable pour cette juridiction internationale et ce sont des soldats des forces spéciales américaines qui se sont lancés dans la traque, le gouvernement américain plaçant la LRA sur la liste des organisations terroristes et promettant des millions de dollars de récompense pour l’arrestation de ses leaders. Dominic Ongwen a été arrêté en 2015 en Centrafrique, remis à des soldats américains et livré à la CPI.
Ongwen va probablement finir sa vie en prison. Cela ne rendra justice ni à la population ougandaise ni aux victimes de la LRA, car ni Museveni ni ses protecteurs occidentaux, responsables de cette barbarie, ne seront mis en accusation.