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Île Maurice : des dizaines de milliers dans la rue
Samedi 29 août, 50 000 à 75 000 personnes ont manifesté dans la capitale de l’île Maurice, Port-Louis. Dans ce pays de 1,2 million d’habitants, où les grandes manifestations sont rares, il faut remonter à 1982 pour trouver une mobilisation d’une telle ampleur.
Cette mobilisation s’est produite un mois après l’échouement du navire vraquier Wakashio, et deux semaines après qu’il eut causé une marée noire sur le littoral et la barrière de corail qui entoure l’île. Les manifestants exprimaient leur colère contre l’incurie du gouvernement, qui a mis trois semaines à réagir. 1 000 tonnes de fioul se sont alors déversées sur le littoral. Des milliers de Mauriciens se sont mobilisés, souvent avec des moyens artisanaux, pour limiter les dégâts de la marée noire.
« Lév paké aller » (« Faites vos bagages et partez »), scandaient les manifestants du 29 août à l’intention du gouvernement. Au-delà de cette pollution, les manifestants expriment leur colère contre la situation générale. En effet, face à la pandémie, le gouvernement du Premier ministre Jugnauth a fermé les frontières mauriciennes aux touristes, dont 1,4 million visitent l’île chaque année et constituent une des principales ressources du pays. L’économie insulaire en est bouleversée et de nombreuses familles sont plongées dans le dénuement par cette crise. Au sein même de la petite et moyenne bourgeoisie, ceux qui vivent du tourisme réclament la réouverture des frontières et participaient nombreux à la manifestation du 29 août. Les partis d’opposition qui se sont ralliés à la mobilisation ne sont pas dénués d’arrière-pensées. À l’île Maurice, deux dynasties familiales se disputent le pouvoir depuis l’indépendance, en 1968. La corruption et le népotisme sont la règle.
La manifestation bénéficiait également du soutien de l’Église catholique et d’une partie de la presse bourgeoise. Le principal organisateur, Jean Bruneau Laurette, instructeur en arts martiaux, coutumier de poses à la Rambo, se disant expert en sécurité maritime, accuse le gouvernement d’avoir caché les circonstances de la marée noire. Cela n’est pas faux. Mais Laurette et les autres organisateurs ont eux-mêmes été liés au pouvoir, et jouent un jeu trouble. Les classes populaires mauriciennes ne peuvent leur faire aucune confiance.