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- Lutte ouvrière n°2480
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Leur société
Dégressivité des allocations : lutte contre le chômage ou contre les chômeurs ?
« Toutes les pistes doivent être étudiées pour négocier les nouvelles règles de l’assurance-chômage, y compris la dégressivité des allocations », a déclaré la ministre du Travail, Myriam El Khomri, le 31 janvier. « Ça fait partie des choses qui sont sur la table et qui seront discutées », a confirmé Michel Sapin, ministre des Finances, préparant le terrain pour le compte du patronat qui, à partir du 22 février, va renégocier avec les directions syndicales les modes d’indemnisation du chômage.
Ces dernières années, la dégressivité des allocations figurait plutôt dans le programme de la droite, qui n’a jamais hésité à faire retomber sur les chômeurs la responsabilité du chômage, tandis que le PS, dans l’opposition, s’y disait opposé. Hollande avait déclaré il y a encore deux ans, lors de la précédente renégociation sur l’indemnisation du chômage : « Ce n’est pas au moment où il y a un taux de chômage élevé qu’il faut réduire les droits des chômeurs. »
C’était oublier qu’un gouvernement socialiste avait déjà introduit des allocations chômage dégressives. En 1992, alors que la socialiste Martine Aubry était ministre du Travail de Mitterrand, une allocation unique dégressive (AUD) avait été instituée pour poser « les bases d’un redressement du régime de protection des demandeurs d’emploi ». C’était, déjà, une attaque en règle contre les chômeurs. Dans bien des cas, leur allocation subissait une baisse de 15 % tous les quatre mois, sans qu’il leur soit donné pour autant la moindre possibilité de retrouver un emploi.
Cette AUD s’est appliquée jusqu’en 2001. L’Insee en avait dressé un bilan négatif en termes d’emploi, confirmant cette évidence : ce n’est pas parce que leur allocation va chuter que les chômeurs, en particulier ceux qui touchent les indemnités les plus basses, trouveront du travail dans un marché déprimé, expliquaient en substance les auteurs de cette étude. Effectivement, ce qui détermine les patrons à embaucher ou pas, ce sont les carnets de commandes, l’état du marché et les perspectives de profit, pas le niveau des indemnités.
Le patronat n’est pas pour autant indifférent à une baisse des allocations chômage, car il peut profiter du fait qu’une partie des chômeurs, pris à la gorge, sont conduits à accepter n’importe quel salaire, ce qui entraîne une concurrence plus vive entre les travailleurs. Cela ne créera pas un seul emploi de plus, ni un chômeur de moins.