- Accueil
- Lutte ouvrière n°2457
- Avastin ou Lucentis : où est l’intérêt des patients ?
Leur société
Avastin ou Lucentis : où est l’intérêt des patients ?
Depuis le 1er septembre, une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) est entrée en vigueur pour la prescription de l’Avastin à la place du Lucentis dans le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA).
La raison de cette RTU décidée par arrêté du ministère français de la Santé est uniquement économique. Le flacon d’Avastin coûte 272 euros, avec lequel il est possible de faire plusieurs dizaines d’injections, alors que la seringue pour une injection de Lucentis coûte 816 euros. Le ministère espère ainsi faire des économies substantielles, le Lucentis étant actuellement le premier poste de l’Assurance-maladie avec près de 500 millions d’euros remboursés.
Le laboratoire Roche, pourtant vendeur de l’Avastin, s’est opposé à cette RTU en s’appuyant sur le fait que les deux médicaments avaient été développés pour des pathologies différentes.
Le médicament plus cher, le Lucentis, est vendu par Novartis, qui en tire une partie de ces bénéfices. Mais les deux laboratoires, en concurrence officiellement, sont aussi profondément liés. Et pas simplement parce qu’ils ont tous les deux leurs sièges à Bâle, à quelques rues l’un de l’autre.
Le Lucentis et l’Avastin, noms commerciaux, ont deux principes actifs très proches, le ranibizumab et le bevacizumab respectivement, tous deux développés par l’entreprise de biotechnologie américaine Genentech. Les deux substances sont dérivées d’un même anticorps monoclonal et leurs activités biologiques sont assez similaires.
Or Genentech appartient à Roche depuis plusieurs années et Novartis détient 30 % du capital de Roche. Ainsi pour le Lucentis, Novartis paye des royalties à Roche (du fait du brevet de Genentech) et les bons résultats de Roche se retrouvent dans les comptes de Novartis du fait des 30 % de capital.
Cela explique évidemment en partie pourquoi Roche préfèrerait que le Lucentis continue à être prescrit et remboursé bien qu’il soit un produit du « concurrent ».
Cela intéresse évidemment aussi les Autorités de la concurrence de différents pays. Ainsi l’Italie a infligé aux deux entreprises une amende de 90 millions pour chacune en 2013 pour entente illicite dans ce dossier. En France, une enquête a été ouverte en 2014.
Aujourd’hui, pour justifier la RTU, le ministère avance que les deux médicaments ont des résultats similaires. Pourtant, dans les dernières années, plusieurs études menées indépendamment des deux laboratoires ont montré que le Lucentis était mieux toléré que l’Avastin, qui produit parfois des effets secondaires digestifs graves. Et le conditionnement du Lucentis en seringues préremplies et prêtes à l’emploi est beaucoup plus sûr du point de vue des contaminations bactériennes que les manipulations qu’impose le flacon d’Avastin.
Le ministère de la Santé présente cette RTU comme une victoire contre des géants de l’industrie pharmaceutique. Mais ce n’est pas aux bénéfices des patients pour lesquels, sur les bases des connaissances actuelles, le Lucentis reste une meilleure alternative. Le problème fondamental dans cette affaire est celui du prix des médicaments, de qui le fixe et comment. Les patients doivent pouvoir accéder aux meilleurs traitements.
L’État qui a partie liée avec les groupes pharmaceutiques fixe en accord avec eux des prix de ventes qui permettent à la pharmacie d’être un secteur industriel tout ce qu’il y a de plus rentable. Ce qui coûte cher à l’Assurance-maladie n’est pas la fabrication des médicaments mais les profits considérables que les trusts pharmaceutiques en tirent.