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Dans le monde
Liban : crise des déchets et pourriture du système
Au Liban, depuis quelques semaines les manifestations se multiplient, regroupant des dizaines de milliers de personnes. C’est la question des déchets qui a mis le feu aux poudres.
Le 17 juillet, les camions venus déverser leurs ordures à la décharge de Naamé, près de la capitale Beyrouth, ont été bloqués par les riverains excédés. On estime que, depuis son ouverture, 18 millions de tonnes d’ordures ont été entassées là, sans traitement, dix fois plus que ce qui était prévu au départ. Une très bonne affaire, à 140 euros la tonne, un des tarifs les plus chers du monde, pour la société qui a le monopole de la collecte, et son propriétaire, un membre du clan de l’ancien Premier ministre Hariri.
Les déchets se sont donc entassés dans les rues. Au cœur de l’été, la situation est vite devenue insupportable. C’est le collectif « Vous puez » qui a impulsé la contestation, exigeant des solutions et dénonçant la corruption des politiciens. Et le mouvement s’est développé, malgré les canons à eau et les gaz lacrymogènes de la police qui ont au contraire apporté de nouvelles vagues de manifestants dans les rues de Beyrouth. Les raisons de cette colère contre les autorités ne manquent pas. Les services publics ne sont efficaces que pour enrichir des affairistes. Les routes ne sont pas entretenues, l’assurance-maladie est inexistante, les soins hospitaliers inaccessibles pour la majorité. L’électricité est habituellement coupée trois heures par jour à Beyrouth, et souvent le double dans les villages, situation encore aggravée cet été par des pannes. Quant à l’eau, les infrastructures sont dans un état lamentable et elle manque chaque été. Tout cela dans un pays où la richesse ne manque pas, du moins pour la petite minorité qui l’accapare.
Parler d’impuissance du système politique libanais serait un euphémisme car on est bien au-delà. Dans ce système basé sur le confessionnalisme, les postes et les fonctions sont réparties sur une base communautaire entre les 18 religions et sectes reconnues, chrétiens maronites, musulmans sunnites, chiites, druzes, etc. Installé par la France pour maintenir l’ordre colonial, ce système a servi ensuite aux grandes familles qui dominent le pays. Il a été régulièrement utilisé pour détourner la colère des exploités vers des affrontements communautaires. Il a conduit à la guerre civile des années 1975-1990 et à une quasi-partition du pays entre les zones tenues par les différents chefs de clan. Le gouvernement n’est que le reflet de cette situation et ne réunit autour d’une table que des frères ennemis, qui ont bien d’autres soucis que de faire fonctionner le pays et ses services publics laissés dans un total abandon.
À cela s’ajoutent les conséquences de la guerre civile syrienne avec l’afflux d’un million de réfugiés dans un pays d’un peu plus de quatre millions d’habitants, l’implication directe du parti chiite Hezbollah mais aussi la présence de combattants de l’État islamique dans certaines zones frontalières et la prise en otage de soldats libanais.
La crise des ordures montre qu’une partie de la population libanaise, face à cette situation chaotique, en a suffisamment assez pour descendre dans la rue et dire leur fait à ces politiciens uniquement préoccupés de leurs petites affaires et de leurs bagarres de clans.
C’est certainement révélateur. Dans ce Liban en voie d’éclatement tout comme dans l’ensemble du Moyen-Orient, il y a d’abord une population qui voudrait, simplement, pouvoir vivre normalement.