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La Croatie dans l'Union européenne : Un progrès transformé en régression
Mais parmi les 4,4 millions d'habitants, tous ne vivent pas des euros ou des dollars apportés par les touristes qui auront désormais plus facilement accès au territoire. Quant au chômage il atteint près de 20 % de la population active, un niveau comparable à celui de l'Espagne et de la Grèce. Quelque 80 000 travailleurs, sans être licenciés, ne sont plus payés depuis des mois, comme ces ouvrières d'une usine textile qui ont défilé récemment dans le centre de la capitale, Zagreb. Des agriculteurs vont disparaître, mais les bénéfices de la principale société privée croate, Agrokor, ne sont pas menacés.
Quelques margoulins locaux se réjouissent. La crise est « le meilleur moment pour gérer son affaire », déclare l'un d'entre eux, Tomislav Debeljak, un prédateur qui vient de racheter les chantiers navals de Split pour une somme symbolique de 66 500 euros. Il prévoit de licencier la quasi-totalité des 3 500 employés et promet de réembaucher certains d'entre eux, ainsi que d'anciens salariés, mais à ses conditions à lui. D'ailleurs, les syndicats sont interdits d'entrée sur le site. Ces chantiers navals, qui avaient échappé aux privatisations mafieuses des années 1990 ont été mis en vente avec la bénédiction de l'Union européenne, qui en a même fait une condition pour accepter l'entrée de la Croatie en son sein, au nom de la sacro-sainte libre concurrence. « Les privatisations en cours dans les transports, l'énergie, les services publics locaux et les chemins de fer constitueront les premiers tests de la nouvelle attractivité de la Croatie », annonce le journal Les Échos du 1er juillet. À la poste du pays par exemple, 10 000 suppressions d'emplois, soit un tiers de salariés, sont prévues d'ici à 2015.
La mainmise des sociétés des pays européens les plus riches était déjà largement entamée à l'époque de la Fédération yougoslave. Elle a repris dès la fin de la guerre civile dans un pays désormais démantelé. Les banques autrichiennes, allemandes ou italiennes, sans oublier la Société générale qui possède depuis 2006 Splitska Banka, cinquième établissement du pays, ont pu faire leur marché. Et elles ne s'en sont pas privées.
Ce qui aurait dû constituer un progrès, l'unification même limitée d'une partie de l'Europe, s'est accompagné d'une régression pour la plus grande partie de la population.