- Accueil
- Lutte ouvrière n°2080
- Transport aérien : Quand les compagnies crient misère
Leur société
Transport aérien : Quand les compagnies crient misère
C'est une habitude : quand les compagnies aériennes quémandent des subventions de leurs États, et qu'elles veulent mettre en condition les passagers pour de nouvelles hausses tarifaires, elles se répandent en pleurs dans les médias.
C'est ce que vient de faire l'IATA, association internationale du transport aérien qui représente 240 compagnies et 94 % du trafic mondial, lors de son congrès à Istanbul. À écouter les compagnies, pour elles le ciel s'assombrirait d'une couleur pétrole, variante kérosène...
Pourtant, l'IATA annonce que ses membres, qui avaient enregistré 200 millions de dollars de pertes en 2006, ont cumulé 5,6 milliards de bénéfices en 2007. Et elle prévoit un chiffre de profits à peine moindre pour 2008. Côté trafic, ça ne va pas mal non plus : le nombre de passagers a crû de 11 % en 2007, même si elle prévoit qu'il n'augmentera « que » de 5 % en 2008.
Mais, il y a le prix du kérosène qui, dit l'IATA, torpille les bénéfices. Pourtant, en 2004, elle avait prévenu que 33 dollars le baril était le maximum de ce que les transporteurs aériens pouvaient supporter. Depuis, le prix du baril a quadruplé. Et si, ces six derniers mois, 24 compagnies se sont effondrées, selon l'IATA, Air France, British Airways, Lufthansa et quelques autres, affichent des milliards de profits, l'ensemble du secteur enregistrant des bénéfices en hausse !
À cela rien d'étonnant. Les compagnies aériennes ont systématiquement répercuté dans leurs tarifs les hausses du kérosène, même quand elles étaient loin de subir intégralement chaque hausse qu'elles invoquaient pour alourdir la « surcharge carburant » facturée à leur clientèle.
En effet, les plus grosses d'entre elles ont une « couverture carburant ». Autrement dit, elles achètent leur kérosène longtemps à l'avance, et le payent ainsi à un prix bien moindre qu'au moment où il sert pour un vol. Ainsi, les deux tiers des réserves kérosène d'Air France pour 2008-2009 auraient été achetés à moins de 80 dollars, alors que le baril dépasse maintenant les 135 dollars ! En outre, les grandes compagnies aériennes achètent leur carburant en grosses quantités, donc avec des rabais, dont les passagers ne voient pas la couleur. Et à cela s'ajoute un bonus de change pour les compagnies de la zone euro en raison de la baisse du dollar, monnaie de compte des contrats pétroliers.
Bien sûr, avec la hausse des carburants, et du fait de la crise financière actuelle, le transport aérien entre dans une nouvelle zone de turbulences. Des compagnies vont faire les frais de cette situation, même si le coût du kérosène n'est pas le seul élément décisif de la guerre que se livrent, et livrent aux compagnies plus faibles, les géants mondiaux du secteur.
Le directeur de l'IATA déplore ce qu'il appelle « le trop grand nombre de compagnies aériennes ». Cette « surcapacité » de l'offre, dit-il, empêche les compagnies de réaliser une « marge de 7 % », alors que « les autres acteurs (du monde aérien) sont très rentables, (tels) les constructeurs et les aéroports (qui) ont des marges qui n'existent dans aucun autre secteur ».
En clair : pour que les actionnaires des compagnies gonflent leurs profits, certaines d'entre elles vont disparaître, et des dizaines de milliers de travailleurs du secteur risquent d'y perdre leur emploi, et les autres de voir leurs conditions de travail et de rémunération se dégrader. Et, comme à chaque fois que les compagnies agitent une pareille menace, cela va servir de prétexte aux États pour mettre la main à la poche... des contribuables, afin d'aider leurs compagnies à étoffer leurs marges.