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- Lutte ouvrière n°2080
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Leur société
Les tractations sur le temps de travail : D'un accord honteux à une attaque massive... jusqu'à la riposte nécessaire
Le projet de loi sur les nouvelles règles en matière de durée du travail est incontestablement une attaque d'ampleur. Le monde du travail aurait tout intérêt à manifester sa colère et son refus en se servant de la journée du 17 juin à laquelle appellent les principales confédérations syndicales.
Mais il faut bien dire que le comportement des dirigeants syndicaux a eu de quoi déboussoler bien des militants et bien des travailleurs.
La partie s'est ouverte le 10 avril dernier, quand les deux syndicats patronaux, le Medef et la CGPME, et les deux premières centrales syndicales du pays, la CGT et la CFDT, ont mis le point final à un texte d'accord appelé « position commune ». Pour l'essentiel, ce texte définissait de nouvelles règles concernant la vie syndicale et la signature des accords, censées favoriser les syndicats les plus puissants.
Mais surtout, à la fin de ce texte d'accord, a été introduit un article 17 qui ouvrait un large champ à la remise en cause des droits existants pour les travailleurs en matière de durée du travail : « Des accords d'entreprise conclus avec des organisations syndicales représentatives et ayant recueilli la majorité absolue des voix aux élections des représentants du personnel peuvent dès à présent, à titre expérimental, préciser l'ensemble des conditions qui seront mises en oeuvre pour dépasser le contingent conventionnel d'heures supplémentaires prévu par un accord de branche... en fonction des conditions économiques dans l'entreprise. »
La CGT et la CFDT donnaient ainsi leur aval pour que des accords d'entreprise soient inférieurs aux conventions collectives et permettent d'augmenter le contingent d'heures supplémentaires jusqu'au maximum fixé par la loi, soit 220 heures par an. La « position commune » pouvait aboutir à laisser les travailleurs de chaque entreprise en position de faiblesse face à leurs patrons respectifs et face au chantage à l'emploi dont ceux-ci usent et abusent. Même si, pour se justifier, la CFDT dit que les autres confédérations avaient fait pire il y a quelque temps.
Mais cette attitude, en particulier venant de la CGT, le syndicat le plus puissant et le plus apte à mobiliser, a été pour le gouvernement une opportunité à saisir pour approfondir le recul en enfonçant encore plus franchement le clou. Du coup, le ministre du Travail, Xavier Bertrand, a présenté un projet de loi faisant sauter toutes les conditions limitatives à la modification du temps et de l'organisation du travail. La loi remet en cause une bonne part des compensations en temps et en argent accompagnant les heures supplémentaires. Et enfin, elle donnerait la possibilité d'étendre à tous les salariés, à l'image de ce qui existe pour les cadres, les contrats de travail basés sur un forfait mensuel ou annuel. Ce qui rendrait le travailleur dépendant quotidiennement du patron, 7, 8, 9 ou 10 heures par jour sans délai de prévenance et sans que ce dernier ait à payer la moindre heure supplémentaire.
Bernard Thibault et François Chérèque ont crié à la trahison, déclarant que le gouvernement aurait dû se contenter des reculs qu'ils avaient eux-mêmes avalisés. Mais ce n'est pas en mettant d'emblée un genou à terre qu'on se trouve en bonne position pour se défendre et surtout défendre les travailleurs. D'autant que, malgré ce coup de force, les deux confédérations ont tenu à confirmer « solennellement », encore le 2 juin dernier, aux côtés du Medef, la signature de leur accord du 10 avril.
C'est dire qu'une forte réaction des travailleurs serait nécessaire pour mettre en échec ces projets. Le gouvernement, quant à lui, veut évidemment éviter une telle réaction et c'est pourquoi, en tenant des propos rassurants, il a fait savoir qu'il ne présenterait sa copie finale qu'à la fin du mois, disant que tout n'est pas encore figé. Mais l'expérience montre qu'on ne peut lui faire aucune confiance et que c'est seulement sous la contrainte que patrons et gouvernement peuvent devenir « raisonnables ».