Notre programme : Extraits de l'allocution d'Arlette Laguiller du dimanche 11 mai14/05/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/05/une2076.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Divers

Notre programme : Extraits de l'allocution d'Arlette Laguiller du dimanche 11 mai

Notre fête, créée en 1971, dans la foulée de Mai 68, est toujours là, la seule fête de l'extrême gauche révolutionnaire, son plus grand rassemblement populaire aussi.

Cela tient à beaucoup de choses mais, principalement, sans doute à ceci : alors que tant d'organisations, si puissantes dans les années qui ont suivi 1968, se sont dissoutes ou ont disparu ; alors que tant de leurs dirigeants, qui se disaient à l'époque révolutionnaires, se sont intégrés dans l'ordre existant et de préférence par le haut, dans les ministères ou à la tête de journaux ; alors que tant de leurs intellectuels, devenus philosophes quasi officiels, débitent aujourd'hui des lieux communs de droite ou d'extrême droite, nous sommes restés fidèles à nos convictions communistes révolutionnaires.

Notre fête est une fête populaire mais elle est aussi une fête politique. Une fête où s'affichent fièrement les idées de la lutte de classe, les idées de l'émancipation sociale, ainsi que les traditions du courant communiste révolutionnaire, alors que c'est tant à la mode de rejeter jusqu'aux mots " révolutionnaire ", " ouvrier ", " communiste " et même " socialiste ".

Les idées de l'avenir

Eh bien oui, nous voulons tenir haut un drapeau, perpétuer une tradition dans le mouvement ouvrier, cette tradition qui était incarnée dans le passé par les Communards, par le Parti Socialiste à son origine, du temps de Guesde ou de Lafargue ; ou par le Parti Communiste, ce parti qui, sous l'influence de la révolution prolétarienne en Russie, s'était constitué contre la direction du Parti Socialiste devenue réformiste.

Nous gardons la conviction que c'est en reprenant les idées, les principes issus d'un siècle de mouvement ouvrier, de ses luttes, de ses succès, de ses échecs, que la classe ouvrière pourra retrouver le rôle politique qui était le sien à certains moments et peser sur la vie politique et sociale de ce pays.

Tout dans l'évolution du capitalisme, y compris son évolution la plus récente, montre que l'ordre économique actuel, basé sur la propriété privée, le marché, la recherche du profit, est incapable d'améliorer le sort du monde du travail, voire de toute la société.

Malgré les progrès de la science et des techniques, malgré l'accroissement de la productivité du travail, les inégalités sociales ne diminuent pas mais, au contraire, se creusent toujours plus.

La vie n'a jamais été facile pour une famille ouvrière mais, il y a trente ou quarante ans, elle pouvait espérer que cela irait mieux pour les générations suivantes. Mais, aujourd'hui, quelle est la famille ouvrière qui ne craint pas que ce soit encore pire pour la jeune génération ? Que le chômage soit plus important, les salaires plus bas, la précarité plus obsédante. Et ce sentiment est fondé sur la dégradation continue de la condition salariale depuis, au bas mot, une trentaine d'années.

Et cette dégradation des conditions d'existence de la seule classe productive de la société est d'autant plus révoltante qu'en face, la grande bourgeoisie s'enrichit outrageusement et que les entreprises affichent des profits extravagants.

L'actuelle crise financière est la démonstration que le capitalisme n'est pas seulement un ordre social injuste mais, aussi, que son fonctionnement n'est contrôlé par personne, pas même par les maîtres de l'économie, tant il est irrationnel et dément. Ce n'est pas seulement une économie qui, pour accumuler toujours plus de richesse entre les mains d'une minorité, pousse la majorité vers la pauvreté. C'est aussi une économie où des centaines de milliards accumulés dans l'exploitation peuvent s'envoler en fumée dans un mouvement spéculatif. Quelle que soit l'évolution ultérieure de la crise financière actuelle, elle représente déjà un gâchis effroyable, un gaspillage révoltant du travail humain.

Alors, oui, nous nous revendiquons de ce courant du mouvement ouvrier qui considère qu'il doit être mis fin à la mainmise d'une minorité de capitalistes sur l'ensemble de l'économie. De ce courant qui a la conviction que seuls les travailleurs, c'est-à-dire les ouvriers, les employés, les techniciens, dans toute la variété des professions engendrées par l'économie d'aujourd'hui, tous ceux qui font tourner cette économie et qui lui permettent de fonctionner, ont les moyens de réaliser la transformation radicale de la société. Seule la classe des travailleurs a la puissance sociale d'exproprier le grand capital, de mettre fin à l'exploitation, à la concurrence, à la recherche du profit, et de permettre enfin à la collectivité de maîtriser sa production et de l'orienter pour satisfaire les besoins de tous.

Et c'est justement dans les périodes de réaction qu'il est important d'affirmer la persistance des idées communistes révolutionnaires. Ce ne sont certainement pas les idées dominantes du présent, mais ce sont les idées de l'avenir.

Un an de présidence Sarkozy, exclusivement en fonction des intérêts des plus riches

Tous peuvent constater que cet homme est le porte-parole des plus riches de la société, c'est-à-dire de cette minorité qui exploite les travailleurs et les pousse vers l'appauvrissement. (...)

Je ne vous égrènerai pas la litanie de toutes les mesures qu'ils nous présentent comme des " réformes " indispensables, inévitables. Elles ont toutes en commun de frapper tantôt l'ensemble des classes populaires, tantôt telle ou telle de leurs catégories particulières. J'aurais du mal à énumérer toutes ces mesures, tant elles sont nombreuses.

L'ensemble de sa politique vise à prendre aux pauvres pour donner aux riches.

Les caisses de l'État sont vides, dit l'équipe au pouvoir. Cela ne l'a pas empêchée d'inaugurer son pouvoir en distribuant des milliards aux possédants grands et petits et d'instaurer ce " bouclier fiscal " qui ne protège que les plus riches.

Mais, en revanche, elle fait payer toujours plus les travailleurs, les retraités, les chômeurs. De l'augmentation des franchises médicales à la diminution des allocations familiales, de l'augmentation du nombre d'annuités pour toucher une retraite complète à la baisse programmée des revenus des chômeurs, de la réduction du nombre d'emplois dans les services publics à la dégradation des conditions de soins dans les hôpitaux ou d'enseignement dans les écoles, tout cela ne frappe que les classes populaires. Et frappe d'autant plus directement que le revenu est modeste.

Et tout cela, alors que la flambée des prix alimentaires, de ceux du gaz, du fioul domestique et du carburant, est en train de démolir le pouvoir d'achat. Pour un homme qui, pour se faire élire, avait promis d'être le " président du pouvoir d'achat ", le mensonge est flagrant, grossier.

Il y a un an, au moment de notre précédente fête, Sarkozy qui venait juste d'être élu était présenté par les partis de gauche comme un homme fort. Ce n'est certes pas la première fois que ces partis présentent un pouvoir de droite comme un pouvoir fort, simplement pour dissimuler leur propre lâcheté politique à le combattre. (...)

Mais ceux qui imposent ces mesures ne sont pas sur le devant de la scène. Nous avons dit et répété pendant la campagne de l'élection présidentielle en 2007 qu'il ne fallait pas se laisser tromper par la comédie de l'opposition entre dirigeants politiques. Car tous ne sont, en réalité, que des marionnettes dont d'autres tirent les ficelles. Ceux qui tirent les ficelles, c'est le grand patronat, ce sont les dirigeants et les propriétaires des grands groupes industriels et financiers et des grandes banques. Ces gens-là savent qu'il n'est possible d'assurer les profits élevés qu'exige la finance aujourd'hui qu'en écrasant toujours plus le monde du travail. Ils soumettent la vie réelle de la population, ses conditions d'existence, aux cours de la Bourse, à la fluctuation de la spéculation.

Ils ont pour objectif dans toutes les entreprises, dans tous les pays, de réduire la masse salariale en bloquant les salaires, en réduisant les effectifs pour faire faire plus de travail avec moins de travailleurs.

C'est pour pouvoir imposer cela plus facilement que le patronat exige du gouvernement qui représente ses intérêts de modifier la législation du travail, de faciliter les licenciements, de favoriser les contrats précaires par rapport aux contrats à durée indéterminée, de restreindre le droit de grève.

C'est encore le patronat qui exige que soit drainé vers lui tout l'argent qu'on peut récupérer au détriment des classes populaires. L'argent de l'État, bien sûr. Quitte à ce que soient diminuées en conséquence les sommes consacrées aux hôpitaux, aux écoles des quartiers populaires, aux transports collectifs destinés aux travailleurs. Mais le patronat exige aussi du gouvernement que celui-ci mette de plus en plus à sa disposition la caisse de la Sécurité sociale, la caisse des retraites. Ces caisses sont pourtant financées par les travailleurs, et cet argent représente une part de leurs salaires. Chaque fois que le gouvernement décide de réduire, voire de supprimer, des " charges sociales " patronales pour telle ou telle catégorie, c'est en réalité une subvention aux patrons avec l'argent des salariés. Et ce sont pourtant les allocataires que l'on accuse du déficit de la Sécurité sociale !

Le gouvernement de droite, ennemi déclaré du monde du travail !

Mais face à ce gouvernement de droite, la gauche officielle, c'est-à-dire essentiellement le Parti Socialiste, est totalement absente. Pour expliquer les silences et les hésitations de ce parti, la presse insiste sur le choc des ambitions à son sommet, sur le trop-plein de candidats pour le poste de premier secrétaire ou pour celui de candidat à la prochaine élection présidentielle.

Choc des ambitions, sûrement. Mais les hésitations du Parti Socialiste ne découlent pas de ce trop-plein de dirigeants. Regagner du crédit dans l'électorat populaire exigerait que le Parti Socialiste propose une politique différente de celle de la droite. Mais, même dans l'opposition et condamné à y rester pour les quatre ans qui restent, le Parti Socialiste ne veut rien proposer qui puisse l'engager dans l'avenir, au cas où il reviendrait au pouvoir.

Ségolène Royal, par exemple, a accordé au journal Le Parisien deux pages d'interview. Elle y dénonce la politique de Sarkozy, ses promesses mensongères d'augmenter le pouvoir d'achat, de revaloriser le minimum vieillesse et les petites retraites. Elle constate que le mécontentement monte et affirme que " une crise grave est tout à fait possible ". Mais, face à la question concernant le chômage, elle n'a rien d'autre à proposer que la formation ou la valorisation des métiers comme le bâtiment, la restauration ou les services à domicile ! Et face à la question : " comment accroître le pouvoir d'achat ? ", elle parle de doubler la prime pour l'emploi, c'est-à-dire de faire payer la caisse de l'État mais pas d'obliger les patrons à augmenter les salaires.

Pendant les années où le Parti Socialiste était au pouvoir, il a changé certaines choses dans le bon sens, comme l'abolition de la peine de mort ou l'instauration du PACS. Mais il n'a pratiquement rien changé en ce qui concerne le niveau de vie, les salaires, les conditions de travail. Car, pour changer les choses sur ce terrain, là où cela compte, et compte réellement pour le monde du travail, il faut vouloir toucher aux bénéfices patronaux. Et le Parti Socialiste, même dans l'opposition, se garde de faire des promesses qui puissent l'engager sur ce terrain.

Malgré la chute record de sa popularité, Sarkozy persiste et signe. (...) Les dirigeants politiques servent aussi à cela : assumer la responsabilité politique des décisions exigées par le grand patronat, quitte à se déconsidérer. Ils servent de fusibles. Le grand patronat n'a que faire de l'ambition ou de la carrière des hommes politiques car, pour lui, qu'ils soient de droite ou de gauche, ils sont interchangeables.

Mais si Sarkozy et son gouvernement continuent à porter des coups aux classes populaires, ils finiront par provoquer une explosion sociale. Cette explosion que craint l'équipe de droite au pouvoir et que redoutent les dirigeants socialistes est la seule façon d'arrêter les coups qui sont portés aux travailleurs. Mais à condition de ne pas s'attaquer aux seuls pantins qui sont sur la scène, mais aussi et surtout à ceux qui, derrière, tirent les ficelles ; à condition d'imposer au grand patronat un autre rapport de force.

Des revendications qui s'imposent

Non seulement il faut une augmentation générale et conséquente de tous les salaires, de toutes les pensions, mais il faut que les salaires ainsi augmentés soient indexés sur l'évolution des prix. À d'autres époques de forte inflation ou de hausse brutale des prix, les communistes révolutionnaires mettaient en avant la revendication d'échelle mobile des salaires. Ils exigeaient que les contrats collectifs assurent l'augmentation automatique des salaires en fonction de la montée des prix des articles de consommation. Cette revendication redevient d'actualité. Oui, il faut l'échelle mobile des salaires et des pensions !

Il ne s'agit pas seulement de protéger ceux de la classe ouvrière qui ont du travail. Une des conséquences les plus intolérables du fonctionnement dément de l'économie capitaliste, c'est la transformation d'une partie croissante des travailleurs en chômeurs chroniques, réduits à survivre avec les miettes que l'État veut bien leur jeter. Et non seulement le gouvernement diminue les allocations, mais il y ajoute l'humiliation volontaire et vise à rendre les chômeurs responsables de leur misère. Les travailleurs ne peuvent pas accepter cela, ni laisser s'installer une coupure entre ceux qui ont du travail et ceux que ce système fou a jetés à la porte. Pas plus qu'ils ne peuvent laisser s'installer une coupure entre ceux qui ont la carte d'identité française et les travailleurs immigrés, avec ou sans papiers. Alors, au-delà de cette exigence de solidarité élémentaire qu'est la régularisation de tous les sans-papiers, je tiens à répéter avec force : nous tous, nous sommes la même classe ouvrière !

Le chômage ne diminue que dans les statistiques du gouvernement. Mais les grandes entreprises continuent à licencier, à fermer des usines ou à délocaliser, à réduire leurs effectifs ne serait-ce qu'en mettant les intérimaires à la porte. Il s'agira, quand le rapport de force le permettra, d'interdire les licenciements et d'imposer la répartition du travail entre tous sans diminution de salaire.

Mais imposer ces objectifs, les seuls qui soient à même de répondre aux deux maux dont la classe ouvrière a le plus à souffrir, c'est contester le pouvoir absolu du grand patronat sur les entreprises. Ce n'est pas possible autrement que par une lutte importante, généralisée, du monde du travail, suffisamment puissante pour inquiéter le grand patronat et l'obliger à reculer.

Rien ne peut être changé d'essentiel pour les travailleurs sans une telle mobilisation. Mais lorsque cela se produira, il faut que les travailleurs imposent des revendications qui changent durablement la vie du monde du travail.

Il faut imposer au patronat de rendre publique, au jour le jour, la comptabilité des grandes entreprises. Il faut que les travailleurs d'une entreprise, que ses consommateurs et ses usagers puissent avoir accès à ses projets à court et à long terme. Il faut qu'ils puissent savoir le montant de ses recettes et aussi la façon dont elle projette de les utiliser.

Il faut aussi rendre accessibles à tout un chacun les revenus, les avoirs et les biens des propriétaires des entreprises industrielles et bancaires. Car c'est ce contrôle qui permettra de démontrer qu'il est tout à fait possible de satisfaire les revendications essentielles de la population : maintenir les emplois, augmenter les salaires, assurer à tous un logement correct et à tous les enfants des classes populaires une éducation convenable. Ou pour imposer que l'argent extorqué aux travailleurs ne soit pas détourné vers la spéculation.

Le premier pas dans cette direction c'est de supprimer toutes les lois qui protègent le secret commercial, le secret bancaire, le secret industriel, derrière lesquels les patrons et les conseils d'administration préparent tous les mauvais coups contre les travailleurs et la société. Les travailleurs ont certainement au moins autant le droit que les capitalistes de connaître les " secrets " des entreprises, des groupes industriels et financiers et de l'économie tout entière.

Ce n'est pas le programme d'une révolution, mais c'est une revendication essentielle à imposer lors d'une lutte générale.

Et, précisément lors d'une lutte générale, lorsque des millions de travailleurs se sentent concernés par leur sort et veulent agir dessus, il leur est facile d'imposer ce contrôle. Car ce sont eux qui font marcher l'économie. Ce sont eux qui savent collectivement comment leurs entreprises fonctionnent. Ce sont eux qui tiennent les comptes. Il leur suffit alors de mettre en commun ce qu'ils savent et d'en tirer collectivement les conséquences qui s'imposent.

Voilà le programme sur lequel nous militons depuis bien des années, depuis que l'absurdité de l'économie capitaliste a abouti à cette longue crise avec ses soubresauts successifs dont la société ne parvient pas à sortir.

C'est ce programme que nous défendons dans toutes les élections, lorsque nous avons les moyens de nous adresser à l'ensemble de la population. C'est un programme de lutte, et il ne peut être adopté et repris par des travailleurs qui veulent changer leur sort qu'au moment de grandes luttes.

Mais, pour que les travailleurs puissent alors le reprendre à leur compte et lui donner la force capable de l'imposer, encore faut-il des militants pour populariser ce programme sans se décourager. (...)

Nos idées, notre programme sont faits pour les périodes de crise sociale. Nous n'avons certes pas les moyens de faire en sorte que notre classe sociale, que les millions de travailleurs retrouvent confiance en eux-mêmes et, par là, retrouvent cet esprit de solidarité, de coopération et de combativité qui est propre à ces périodes où la classe ouvrière pèse sur la vie politique. C'est le patronat avec son avidité sans limite, ce sont ses laquais politiques, par leurs provocations, qui feront que ce moment arrivera, inévitablement. Ce que nous pouvons faire, c'est défendre des objectifs, un programme de lutte, qui changent la vie.

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