Août 1947 : L'indépendance de l'Inde et la partition dans un bain de sang30/08/20072007Journal/medias/journalnumero/images/2007/08/une2039.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

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Août 1947 : L'indépendance de l'Inde et la partition dans un bain de sang

Lorsque le 15 août 1947 de nouveaux drapeaux montèrent aux mâts des bâtiments officiels, ce fut, à New-Delhi et à Karachi, pour consacrer la naissance de deux États indépendants : l'Inde et le Pakistan. Une partition de l'ancienne colonie britannique qui entraîna des millions de personnes dans un bain de sang, pendant les semaines et les mois qui suivirent.

Cette naissance dans les massacres entre populations, qui a imprimé sa marque sur toute l'histoire ultérieure de l'Inde et du Pakistan, était le fruit de calculs : ceux des dirigeants de l'impérialisme britannique, qui trouvèrent la complicité des dirigeants nationalistes hindous et musulmans.

L'Inde sous la botte anglaise

L'Inde avait été une colonie britannique de premier plan. C'est de ce pays saigné à blanc que la bourgeoisie anglaise tira une grande partie des richesses sur lesquelles s'appuya son envolée industrielle.

Pour maintenir sa domination sur un pays aussi vaste et peuplé, la Couronne britannique divisa pour mieux régner. Elle maintint le système des castes. Elle creusa un fossé entre les communautés ethniques et religieuses. En 1935 par exemple, les 15 % d'Indiens privilégiés autorisés à voter au suffrage censitaire étaient répartis dans des collèges électoraux distincts pour les musulmans, les hindous, les sikhs, les intouchables, etc.

Contre les masses pauvres, la bourgeoisie anglaise s'appuya sur les grands propriétaires fonciers, ainsi que sur la jeune bourgeoisie indienne, les Tata ou les Birla, héritiers des riches marchands d'autrefois.

Mais pour régner, diviser ne suffisait pas toujours. L'histoire de l'Inde coloniale est jalonnée de révoltes réprimées avec la plus extrême violence. En 1857 la révolte des soldats indigènes, les cipayes, ne fut écrasée qu'au bout d'un an. Au sortir de la guerre de 1914-1918, l'Inde fut, comme bien d'autres pays, soulevée par une vague de grèves et de manifestations qui, de 1918 à 1922, créèrent une situation révolutionnaire.

1946, une situation incontrôlable

Pendant près d'un siècle, l'Angleterre avait réussi à maintenir sa domination mais, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, une nouvelle série de grèves submergea les villes et les campagnes. À Bombay en 1946, 20 000 marins occupèrent la ville pendant trois jours, y faisant flotter le drapeau rouge, avant d'être sauvagement réprimés. Trois jours de fusillade firent 250 morts.

Il devint évident pour l'impérialisme qu'il ne pouvait plus se maintenir sous cette forme aux Indes. Pour ne pas tout perdre, il se résolut à passer la main à la bourgeoisie et aux grands propriétaires fonciers. Cela fut possible grâce à l'existence de partis nationalistes influents, le Parti du Congrès dirigé par Gandhi du côté hindou, et la Ligue musulmane dirigée par Jinnah.

Les nationalistes indiens et musulmans

Le Parti du Congrès avait été créé en 1885 par un haut fonctionnaire anglais, qui déclarait vouloir un parti hindou capable d'être " la valve de sécurité pour les forces considérables et toujours croissantes engendrées par notre action ". Très lié à l'Angleterre, il ne revendiquait même pas l'autonomie, mais juste une attitude " équitable " envers les colonies. En 1914 ses dirigeants assuraient Londres de leur " profond dévouement au trône ". La Ligue musulmane fut fondée en 1906, pour jouer le même rôle chez les musulmans.

Pendant la période révolutionnaire de 1918-1922, pour pouvoir continuer à jouer son rôle de " valve de sécurité ", le Parti du Congrès dut radicaliser son programme anticolonial, sous peine de voir les masses se détourner de lui. Mais afin de rester un interlocuteur valable pour la puissance coloniale, il devait aussi se montrer capable d'encadrer ces masses et d'empêcher que leur mobilisation ne débouche sur une révolution. La doctrine de la non-violence élaborée par Gandhi, le principal dirigeant et le symbole de ce parti, prit alors toute sa signification politique.

L'image de défenseur des pauvres que Gandhi s'était forgée servit à tromper les masses, dont il n'hésita jamais à se désolidariser dès qu'elles avaient recours à la violence.

La partition : la violence contre les peuples de l'inde

Pour préserver ses intérêts, la bourgeoisie anglaise envisageait encore en 1946 la création d'un État fédéral indépendant, divisé en trois zones suivant les majorités religieuses. Mais la Ligue musulmane revendiquait un État musulman indépendant, et le Parti du Congrès le maintien d'un État unique.

En février 1947 le nouveau vice-roi, lord Mountbatten, devant l'échec du projet fédéral, soutint la partition en deux États à majorité religieuse : l'Inde actuelle, à majorité hindoue, sous le contrôle du Parti du Congrès, et le Pakistan, à majorité musulmane sous le contrôle de la Ligue musulmane, coupé lui-même en deux parties distantes de 1 500 km... Et devant l'incapacité de l'armée anglaise à maintenir l'ordre, il avança d'un an la partition prévue initialement pour l'été 1948.

À l'annonce du tracé des frontières, convaincues de ne plus pouvoir vivre ensemble, des millions de personnes cherchèrent à rejoindre leur nouveau pays. Neuf millions d'hindous quittèrent le Pakistan et six millions de musulmans l'Inde. Un million de réfugiés se croisèrent à pied, formant des colonnes humaines sur des dizaines de kilomètres, en haillons, épuisés, affamés, écrasés de chagrin. D'autres, partis en train, n'arrivèrent jamais vivants : des témoins décrivirent ces " trains de la mort " remplis de cadavres mutilés et dont les roues projetaient du sang. On estime qu'il y eut entre 150 000 et un million de morts en quelques mois.

Par leur politique, les dirigeants impérialistes avaient creusé entre les hindous et les musulmans un fossé de haine et de peur. Ils prenaient ainsi le risque de jeter ces communautés l'une contre l'autre. Et les dirigeants nationalistes hindous et musulmans, dont le seul but était d'obtenir un État, furent les complices de cette politique.

Et les nouveaux États demeuraient toujours aussi dépendants de l'impérialisme, ne serait-ce qu'en restant des dominions de l'Empire britannique au sein du Commonwealth. Soixante ans après, ni l'Inde ni le Pakistan ne sont sortis de la misère. De plus, ils se sont affrontés dans trois guerres, en 1947, 1965 et 1971. Le Pakistan a été démembré, sa partie orientale devenant le Bangladesh en 1971. Les médias occidentaux osent parler de " miracle indien " et de " performances économiques ". Ils osent même encore parler de " la plus grande démocratie du monde ". Mais l'Inde d'aujourd'hui est avant tout, pour l'écrasante majorité de sa population, la résultante barbare d'un passé d'exploitation directement coloniale, suivi d'une époque d'un " développement " foncièrement inégalitaire largement encore imprégné d'arriération.

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