Noroxo (Harnes, 62) : ExxonMobil peut et doit payer24/03/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/03/une1860.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Noroxo (Harnes, 62) : ExxonMobil peut et doit payer

Depuis lundi 21 mars, les ouvriers de l'usine pétrochimique Noroxo, à Harnes dans le Pas-de-Calais, sont en grève. Ils bloquent les entrées et empêchent les camions de sortir les stocks.

L'usine avait été fermée le 2 janvier dernier, suite à l'épidémie de légionellose qui, dans la région, avait frappé quatre-vingt-six personnes et fait treize morts. On avait alors décelé dans une tour aéroréfrigérante de l'établissement les mêmes bactéries que celles à l'origine de l'épidémie, et à des taux six cents fois plus élevés que le seuil autorisé!

Depuis, l'usine a été nettoyée, dépolluée et, après accord des autorités sanitaires et administratives, la Préfecture a donné son feu vert pour le redémarrage. Mais c'est maintenant la direction qui s'y refuse. Elle soumet la réouverture éventuelle du site à «l'analyse des conditions commerciales et économiques de reprise après un arrêt prolongé». Autrement dit, les 160 salariés de Noroxo et une centaine d'ouvriers de sous-traitance ne retrouveront leurs moyens d'existence que si les actionnaires jugent la rentabilité de l'usine suffisante pour leur portefeuille.

Quel culot! Pendant des dizaines d'années, l'usine à produit des centaines de milliers de tonnes d'alcools et d'acides industriels pour l'automobile et le bâtiment, pour l'industrie des détergents, des lubrifiants, des câbles, etc. Cela rapportait gros et peu importaient alors les risques pour l'environnement et pour la santé humaine: en janvier, lors de la fermeture de l'usine, la direction était allée jusqu'à nier que l'usine soit à l'origine de la contamination et avait protesté contre l'arrêt de la production, alors qu'il y avait déjà... soixante cas de légionellose et sept morts. Rentabilité oblige!

Pour ne pas rouvrir le site, la direction invoque aussi les nouveaux impératifs fixés par l'arrêté préfectoral en matière de précautions pour l'environnement dont, notamment, un seuil de tolérance plus bas pour la concentration de bactéries dans les tours aéroréfrigérantes et les rivières alentour. Face à cela, la direction ne veut pas prendre le risque de redémarrer pour se voir intimer l'ordre de fermer plus tard, puisqu'elle sait qu'elle n'investira pas dans la sécurité pour mettre l'usine en conformité.

Pourtant Noroxo appartient au groupe ExxonMobil, le premier groupe pétrolier mondial. Celui-ci annonçait en janvier 2004, selon les journaux boursiers spécialisés «des profits trimestriels et annuels records». Pour le quatrième trimestre 2003, il publiait un bénéfice net de 6,65 milliards de dollars, contre 4,09 milliards pour la même période de l'année précédente, soit une augmentation de plus de 50%, et proclamait des dividendes de 17% pour les actionnaires! Beaucoup mieux que la Caisse d'Épargne.

Peut-être l'usine ne peut-elle pas fonctionner telle qu'elle est et faut-il encore procéder à des améliorations en matière de sécurité, voire en construire une moderne. Nous ne le savons pas. Mais une chose est sûre, c'est que dans tous les cas ExxonMobil peut payer l'intégralité des salaires de tous les travailleurs du site jusqu'à ce que celui-ci soit aux normes. Si le trust a été négligent au point de laisser les conditions de sécurité se dégrader pendant des années, ce n'est pas aux travailleurs d'en payer les conséquences.

Et, à Noroxo comme dans tous les grands trusts qui font des profits fabuleux mais n'en licencient pas moins, il faut que les travailleurs et la population aient les moyens de contrôler ce que font et décident les patrons des entreprises. Que ce soit en matière de finance ou dans le domaine de la sécurité, ils ne peuvent en aucune manière leur faire confiance.

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