Autriche : Le Parti Socialiste signe un accord avec l’extrême droite24/03/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/03/une1860.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Autriche : Le Parti Socialiste signe un accord avec l’extrême droite

Lors des élections régionales de Carinthie, qui ont eu lieu le 7 mars, le Parti Libéral Autrichien (FPÖ) de Jörg Haider est à nouveau arrivé en tête avec 42,4% des voix. Ce n'est malheureusement pas nouveau puisque ce Land du sud de l'Autriche, dans lequel vit une minorité slovène en butte depuis longtemps à un certain nombre de discriminations, avait déjà donné un score identique (42,1%) à ce démagogue raciste et xénophobe lors des élections précédentes de 1999. Mais ce qui est nouveau, c'est l'accord qui a été passé, aussitôt après les élections, entre le FPÖ et le Parti Social-Démocrate.

Après les élections de 1999, Jörg Haider était devenu gouverneur de Carinthie, grâce à l'abstention des élus du conservateur Parti Populaire d'Autriche (ÖVP). Un an plus tard, en 2000, à la suite des élections fédérales, le même ÖVP avait, au niveau national cette fois, conclu un accord de gouvernement avec le FPÖ. Cela avait entraîné une importante vague de protestation dans tout le pays contre la présence de l'extrême droite au gouvernement pour la première fois depuis la période nazie. Ce mouvement avait culminé lors d'une manifestation qui avait réuni 250000 personnes à Vienne, soit le plus important rassemblement depuis la guerre, dans ce petit pays de seulement 8 millions d'habitants. Et, sans être à l'initiative de cette protestation, les dirigeants du Parti Social-Démocrate (SPÖ) s'étaient montrés dans la rue et n'avaient pas été les derniers à dénoncer un «pacte avec le diable». Parallèlement, en février-mars 2000, des protestations avaient également eu lieu dans toute l'Europe. Et l'Autriche avait même, pendant un temps, été mise en quarantaine par les 14 autres membres de la Communauté européenne.

Récemment, lors de la campagne électorale en Carinthie, le président du Parti Social-Démocrate, Alfred Gusenbauer, avait fixé comme objectif à ses militants de reprendre le Land, en fanfaronnant: «Haider, c'est du passé». Et il avait accusé l'ÖVP de se préparer une nouvelle fois à soutenir Haider. Et voilà que, six jours après les élections du 7 mars, le responsable du SPÖ en Carinthie, Peter Ambrozy, a passé un accord avec le FPÖ pour diriger ensemble le Land pendant les cinq années à venir!

Comble de l'hypocrisie, il est formellement prévu que, lors de l'élection de Jörg Haider au poste de gouverneur le 1er avril (malheureusement ce n'est pas une blague!), les députés socialistes quitteront la salle du parlement régional, pour ne pas avoir à voter pour lui, mais reviendront après pour gouverner ensemble! Peter Ambrozy a simplement justifié cette alliance en expliquant que son parti souhaitait «s'impliquer activement et de façon constructive» dans la vie de la province.

Même si cela entraîne des remous à la base du SPÖ, les dirigeants nationaux du parti n'ont, pour l'instant, pas désavoué cet accord, affirmant simplement qu'il s'agissait d'une affaire propre à la Carinthie. En réalité, cette collaboration n'a rien de très surprenant. Car, lorsqu'ils ont été au pouvoir, les sociaux-démocrates ont eux-mêmes mené toute une politique anti-immigrés, rétablissant les visas, restreignant le droit d'asile et les possibilités d'acquisition de la nationalité autrichienne, déployant l'armée le long des frontières de l'est. Ils ont aussi déjà gouverné avec le FPÖ, entre 1983 et 1986. Mais la façon dont ils ont, en l'espace de quelques jours, marché sur leurs propres déclarations, témoigne du mépris sans borne avec lequel ils considèrent leurs militants, leurs électeurs et tous ceux qui leur ont sincèrement apporté leur appui pour protester contre les idées xénophobes du FPÖ.

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