Leur société

Rachats d’actions : rentiers gavés

Les grandes sociétés capitalistes commencent à annoncer le montant des dividendes qu’elles entendent verser à leurs actionnaires au titre de 2022 et leurs plans pour racheter leurs propres actions.

Quand un capitaliste achète les actions d’une entreprise, il est supposé apporter une fraction du capital nécessaire aux investissements et attend en retour un dividende annuel, soit une fraction des bénéfices. Pour conserver leurs actionnaires, les grands groupes les chouchoutent en leur versant une part toujours plus grande des bénéfices. Mais cela ne suffit plus aux actionnaires. Depuis quelques années, les entreprises pratiquent le rachat de leurs propres actions. Après rachat, ces actions sont détruites, ce qui fait mécaniquement grimper la valeur des actions restantes ainsi que le dividende qui leur est attaché. Ainsi, année après année, le gâteau grossit tandis que le nombre de parts diminue.

Cette pratique fait fureur aux États-Unis où, l’an dernier, les 500 plus grandes sociétés ont racheté leurs actions pour 1 260 milliards de dollars. Pour le seul mois de janvier 2023, 132 milliards de dollars de rachats d’actions ont déjà été annoncés, dont 75 milliards pour le pétrolier Chevron et 40 milliards pour Meta (ex-Facebook). Les capitalistes européens ne veulent pas être en reste : « Les rachats d’actions explosent en Europe », titrait récemment le journal économique Les Échos. Pour l’ensemble de l’Europe, ces rachats ont doublé en un an, passant de 84 milliards d’euros en 2021 à 161 milliards en 2022. Les champions sont dans l’énergie et la finance. Ainsi TotalEnergies y a consacré 7,4 milliards d’euros ; Shell, plus de 8 milliards ; la BNP Paribas, 5 milliards ; l’assureur AXA, 3 milliards…

La montée en puissance de cette pratique est un indicateur du caractère de plus en plus parasitaire de l’économie capitaliste. Les centaines de milliards ainsi redonnés aux actionnaires ne sont plus disponibles ni pour développer ou augmenter la production, ni même pour réaliser la transition énergétique tant évoquée. Ainsi les géants du pétrole et de l’énergie, qui ont multiplié les prix et les profits par cinq ou dix sous prétexte d’anticiper cette transition, s’y refusent. Ils y sont encouragés par toute la classe capitaliste puisque, toujours d’après Les Échos : « Le marché a sanctionné les entreprises qui investissaient et récompensé celles qui privilégiaient le retour aux actionnaires. »

Le cynisme de ces grands groupes est tel que les dirigeants politiques sont contraints de s’agiter. Ainsi Joe Biden a fait mine de s’émouvoir des 200 milliards de dollars de profits des pétroliers « en pleine crise énergétique mondiale » et il a menacé de porter la taxation sur les opérations de rachats de 1 % à 4 %. Il peut d’autant plus parler fort qu’il n’a pas la majorité au Congrès pour le faire. Et, même s’il l’avait, les quelques milliards recueillis seraient immédiatement redonnés aux capitalistes sous une forme ou une autre… par exemple pour encourager la transition énergétique !

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