États-Unis : catastrophe ferroviaire22/02/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/02/2847.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

États-Unis : catastrophe ferroviaire

Ce texte est adapté d’un article du bimensuel trotskyste américain The Spark du 20 février.

Le déraillement d’un train à East Palestine, dans l’Ohio, le 3 février, a été transformé en catastrophe par les responsables de la compagnie ferroviaire ­Norfolk Southern.

Ce train de trois locomotives et 150 wagons constituait un convoi de 2 800 mètres et de 18 000 tonnes. Les deux cheminots à bord, un mécanicien et un chef de train, étaient bien sûr dans l’incapacité de surveiller l’ensemble du train. Un feu a pris sur un essieu plusieurs dizaines de kilomètres avant l’accident. Le poids des wagons-­citernes derrière lui a causé l’accident. Un stagiaire était heureusement présent avec les deux cheminots, et les a aidés à séparer les locomotives de l’épave et à se mettre à l’abri.

Le train de la compagnie était classé comme un train de marchandises générales, alors que 20 de ses 150 wagons contenaient des liquides dangereux, dont du chlorure de vinyle, le précurseur du phosgène, une arme chimique. Cette classification permettait à l’entreprise de contourner les règles de notification aux villes que le convoi traversait.

Trente-huit wagons ont déraillé, dont 11 wagons-­citernes dangereux. East Palestine est une petite ville de 4 700 habitants. Les responsables de Norfolk Southern ont persuadé le maire et les pompiers locaux que les wagons de chlorure de vinyle risquaient d’exploser s’ils n’étaient pas vidés et brûlés. Comme par hasard, c’était le moyen le plus rapide de faire dégager les voies ferrées sans les procédures de nettoyage appropriées, et de redémarrer la circulation. Les autorités locales ont estimé qu’elles n’avaient guère le choix. La ville a été évacuée. Le gaz phosgène qui serait créé lors de la combustion est similaire au gaz moutarde utilisé pendant la Première Guerre mondiale. D’autres produits de combustion sont connus pour être cancérigènes s’ils sont inhalés.

Le 6 février, Norfolk a ordonné que les wagons soient vidés dans un fossé de drainage le long des voies. Les produits chimiques ont été enflammés, provoquant un incendie de 30 mètres de long. Les cendres et la suie se sont envolées jusqu’à la Pennsylvanie voisine. L’air s’est chargé de l’odeur et du goût du plastique brûlé. La suie est entrée dans les maisons. La dioxine, un cancérigène, est un sous-produit de la combustion du plastique. Des personnes situées à 1,5 km ont signalé des maux de tête, de gorge et la mort d’animaux domestiques.

Le liquide s’était déjà déversé dans deux ruisseaux le long des voies, tuant poissons et grenouilles, et envoyant un panache toxique jusqu’à la rivière Ohio, dans laquelle de l’eau potable est puisée. Des équipes de techniciens de l’Agence de protection de l’environnement (EPA) sont arrivées avec des compteurs qui ont enregistré un air « sûr » et une eau municipale « sûre ». Les habitants ont demandé comment c’était possible, alors qu’ils avaient mal à la tête et à la gorge, et que leurs enfants avaient la diarrhée. Les responsables ont refusé de dire s’ils avaient effectué des tests de dépistage des dioxines.

Norfolk Southern a beaucoup d’argent. En 2022, il a fait 12,7 milliards de dollars de bénéfice, et a annoncé un programme de 10 milliards de rachat d’actions. Les dividendes vont à des investisseurs déjà richissimes, comme ceux des fonds Vanguard Groupet et JPMorgan Investments, des gens dont les enfants n’auront jamais à jouer dans la suie des substances cancérigènes.

En six ans, les chemins de fer ont réduit leurs effectifs de 29 %. Les travailleurs, moins nombreux, doivent gérer des trains plus longs en moins de temps, et peuvent être appelés à se lever à tout moment pour remplacer les personnes manquantes. Les travailleurs du rail n’ont pas un droit de grève clairement établi – le gouvernement réglemente les syndicats sous la fiction de la « sécurité nationale ». Afin d’obliger les compagnies à rendre les procédures plus sûres et plus humaines, les syndicats de cheminots ont essayé pendant des années de franchir toutes les étapes pour déclencher une grève légale. Le 2 décembre, Biden a signé une loi pour l’empêcher.

Comme l’ont dit de nombreux habitants d’East Palestine : « C’est la cupidité des entreprises qui a fait ça ! » Avec, pourrait-on ajouter, la protection de l’État.

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