Chili : à quand le droit à l’avortement ?10/03/20212021Journal/medias/journalarticle/images/2021/03/Chili.png.420x236_q85_box-0%2C177%2C697%2C570_crop_detail.png

Dans le monde

Chili : à quand le droit à l’avortement ?

Au moins 140 femmes chiliennes, soutenues par une ONG, vont porter plainte devant les tribunaux parce que les pilules contraceptives qui leur avaient été vendues n’ont pas empêché qu’elles soient enceintes.

Illustration - à quand le droit à l’avortement ?

Deux laboratoires sont sur la sellette : surtout le laboratoire allemand Grünenthal mais aussi le groupe américain Merck Sharp & Dohme. Le premier commercialise plusieurs types de pilules contraceptives et a dû retirer de la circulation près de 300 000 plaquettes défectueuses ; l’autre labo, quelques milliers. Mais ces plaquettes avaient été diffusées dans tout le pays, notamment dans des centres médicaux des quartiers les plus populaires, le tout sans grande traçabilité. Grünenthal s’est défendu mollement en expliquant que même quand la pilule est sans défaut, trois femmes sur mille peuvent être enceintes. Il a bien été condamné à une amende mais le type de pilules mises en cause est toujours commercialisé.

Cette affaire relance la question de l’avortement au Chili. Depuis la dictature (1973-1990), la pénalisation de l’avortement a été renforcée. On ne peut avorter que suite à un viol ou à des problèmes de santé pour la femme enceinte. Il y aurait ainsi 700 avortements légaux chaque année mais, selon diverses estimations, entre 70 000 et 200 000 avortements clandestins. Et le petit nombre d’avortements légaux n’empêche pas qu’il existe une clause de conscience permettant aux médecins de refuser d’en pratiquer, même quand la femme y a droit, dans les hôpitaux publics comme dans les cliniques privées.

Or, bien des femmes enceintes malgré elles à cause des pilules défectueuses auraient bien avorté. Les unes étaient très jeunes, d’autres avaient déjà une famille nombreuse, mais ne pouvaient avorter que dans l’illégalité. Celles qui vont devoir garder l’enfant malgré elles demandent une aide de l’État jusqu’au moment où il pourra aller au jardin d’enfants et où elles pourront reprendre le travail.

Des députées proposent la dépénalisation au moins pour les quatorze premières semaines de la grossesse mais elles doutent d’être suivies, car le Parlement est dominé par le conservatisme d’une grande partie des élus, qui relaient les diktats de l’Église catholique. En 2014, une ministre de la Santé avait dénoncé le fait que les riches milieux conservateurs, qui s’affichaient contre l’avortement, n’hésitaient pas y recourir quand il s’agissait de leur progéniture. Cette déclaration avait déclenché un tollé bien hypocrite et elle avait dû quitter le gouvernement.

Mais les milieux conservateurs et l’Église ne sont pas tirés d’affaire pour autant. Le succès des femmes argentines dans la lutte pour le droit à l’avortement pèse dans la balance. En avril prochain vont commencer les travaux de rédaction de la nouvelle Constitution. Il s’agit d’en finir avec celle adoptée du temps de Pinochet, comme la forte mobilisation populaire qui a précédé la crise du Covid l’a imposé. Les femmes chiliennes ont déjà montré combien elles peuvent peser sur la situation. Ce scandale de la pilule contraceptive qui, selon le mot d’une victime, « t’oblige à être maman », peut compter dans la mobilisation pour imposer l’avortement libre, sûr et gratuit pour toutes les femmes qui en ont besoin.

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