Deliveroo : le retour des pousse-pousse10/03/20212021Journal/medias/journalnumero/images/2021/03/2745.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Deliveroo : le retour des pousse-pousse

L’annonce par Deliveroo de sa prochaine introduction à la Bourse de Londres illustre l’enrichissement des plateformes de livraisons à domicile, avec le couvre-feu et la fermeture imposée des restaurants.

Les succès de Deliveroo, Uber Eats et autres plateformes en ligne doivent tout à l’exploitation des livreurs, précaires et sous-payés. « Je travaille 12 heures par jour, même quand il pleut ou qu’il fait froid » ; « Dans les rues désertes le soir, on ne se sent pas en sécurité » ; « Pour gagner 1 200 euros par mois je dois travailler 30 jours sur 30 » ; « Avant le confinement je gagnais 13 ou 14 euros de l’heure, maintenant je tourne à 7 euros » : voilà quelques-unes des réflexions exprimées lors des rassemblements organisés par des livreurs en colère ces dernières semaines dans plusieurs villes.

Les coursiers, en scooter ou à vélo, sont plus de 50 000 en France. Chez Deliveroo, ils sont passés de 11 000 à 14 000 en un an. Just Eat vient d’annoncer 4 500 embauches en CDI salariés. Mais la majorité des livreurs ont un statut de micro-entrepreneur, sont rémunérés à la course et doivent payer eux-mêmes leurs équipements.

Des dizaines de milliers d’emplois précaires, en particulier dans la restauration, chez Mac Do ou ailleurs, ayant disparu avec les fermetures et les restrictions imposées par le gouvernement, le nombre de candidats coursiers a augmenté. Les plateformes en ont profité pour baisser les prix. Pour gagner leur vie, les livreurs doivent enchaîner toujours plus de courses et mettre leur santé en péril. Ainsi les jours de pluie, où le travail est plus dangereux, les plateformes donnent une prime. C’est le salaire de la peur. À l’inverse, un retard dans la préparation chez le restaurateur, un incident sur le trajet, un client mécontent, et le livreur est radié. Quant aux travailleurs sans papiers, assez nombreux à s’inscrire en sous-louant le compte d’une personne en règle, ils doivent lui reverser une commission de 200, 300 ou 400 euros par mois.

Le couvre-feu et la fermeture des magasins à 18 heures ont fourni un nouveau marché aux plateformes de livraison. Deliveroo, Uber Eats et Cie ont passé des contrats avec Carrefour, Casino, Picard pour livrer épicerie et surgelés. Plus encore que des profits immédiats, ce que visent ces plateformes de livraison, à l’image d’Amazon, d’ailleurs actionnaire de Deliveroo, c’est d’étoffer leurs réseaux de clients pour écraser leurs concurrents avant d’augmenter massivement leurs commissions. Cela demande des injections de capitaux et c’est l’un des buts de l’introduction en Bourse de Deliveroo.

Il est de bon ton parmi les journalistes ou les politiciens de dénoncer les méthodes sans scrupules des plateformes en ligne et de réclamer un encadrement juridique, surtout quand elles sont étrangères comme Deliveroo, Uber ou Amazon. Mais ces dernières prospèrent grâce à l’augmentation du nombre de jeunes précaires mis en concurrence par la crise et le chômage de masse. Chaque mesure prise par le gouvernement, que ce soit sous prétexte de lutter contre la pandémie ou pour baisser le coût du travail, profite au patronat et se retourne à la fin contre la fraction la plus précaire de la classe ouvrière. En s’organisant eux-mêmes face aux plateformes, les livreurs prennent la seule voie qui leur permettra de défendre leurs intérêts.

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