Dans le monde

Iran : l’embargo continue

En 2015, les États-Unis d’Obama, la Chine et plusieurs pays européens signaient avec l’Iran un accord sur le contrôle de son industrie nucléaire, dit JCPOA. Trump l’a dénoncé unilatéralement en 2018, avant d’instaurer un sévère embargo contre l’Iran et des sanctions contre toutes les firmes qui ne le respectaient pas.

Malgré les discours et les promesses, la défaite de Trump et l’arrivée à la Maison-Blanche du démocrate Biden ne se traduisent ni par un retour à l’accord initial ni par une levée de l’embargo. Lors d’une conférence sur le désarmement le 22 février à Genève, le nouveau secrétaire d’État américain, Anthony Blinken, a exigé comme préa- lable que les dirigeants iraniens cessent d’enrichir leur uranium en isotope 235, celui qui permet des réactions nucléaires, au-delà du très faible seuil imposé lors de l’accord JCPOA. Blinken accuse l’Iran d’accumuler de l’uranium enrichi pour pouvoir préparer « en quelques semaines » une bombe nucléaire. Selon les chiffres fournis par l’Agence internationale de l’énergie atomique, qui poursuit ses inspections, l’Iran en est encore très loin.

Les dirigeants iraniens quant à eux, demandent d’abord la levée effective de l’embargo et le retour des États-Unis dans le cadre de l’accord, avant d’obtempérer et de réduire l’enrichissement de l’uranium. En acceptant de se soumettre à des contrôles qu’aucun pays développé, même ceux détenteurs de la bombe atomique, n’a jamais accepté de subir, les dirigeants iraniens avaient pu réintégrer il y a cinq ans le marché mondial, pour vendre leur pétrole en échange de multiples produits. Échaudés par les revirements américains, subissant de plein fouet les effets de l’embargo, subissant en plus la baisse actuelle du cours du pétrole, les dirigeants iraniens veulent, assez logiquement, garder quelques atouts en main avant de reculer.

Dans ce bras de fer entre les États-Unis et l’Iran, les véritables motivations des dirigeants américains, qu’ils se nomment Obama, Trump ou Biden, ne sont évidemment ni les intérêts de la population iranienne ni la lutte contre les armes nucléaires. Les États-Unis veulent affaiblir l’Iran pour l’empêcher de devenir une forte puissance régionale, tout comme ils l’ont fait précédemment avec l’Irak, mais n’ont pas nécessairement intérêt à abattre le régime réactionnaire des mollahs.

Les sacrifices imposés par les États-Unis permettent d’ailleurs au régime, pourtant haï et affaibli par plusieurs révoltes ces dernières années, de flatter le sentiment national. Ali Khamenei et les ayatollahs au pouvoir peuvent, non sans raison, reporter la colère populaire contre « le grand Satan américain », et cherche à exploiter ce sentiment pour que leur candidat remporte l’élection présidentielle prévue en juin prochain.

Dans un style différent de Trump, Biden reste le garant des intérêts des grands groupes américains au Moyen-Orient. L’embargo contre l’Iran permet, comme effet secondaire, d’empêcher leurs concurrents, Airbus, Air France, British Airways, PSA, Mercedes-Benz, Total et tant d’autres de profiter du marché iranien. En cette période de crise aiguë où la guerre commerciale planétaire fait rage, c’est un moyen parmi d’autres de les affaiblir. Les États-Unis doivent aussi contenter leurs autres alliés dans la région, Israël et l’Arabie saoudite, tous deux en concurrence avec l’Iran pour le rôle de puissance régionale.

Pendant que ce bras de fer continue de se mener au-dessus de leurs têtes, les classes populaires iraniennes sont les premières à en subir les conséquences.

Et d’abord parce que l’embargo provoque une inflation massive de tous les prix et des pénuries de toutes les denrées importées, y compris les médicaments et les vaccins.

Partager