Niger : l’impérialisme à la manœuvre16/08/20232023Journal/medias/journalarticle/images/2023/08/P6-1_Sauver_la_democratie_Cedeao_OK_Lupo.jpg.420x236_q85_box-0%2C37%2C548%2C345_crop_detail.jpg

Dans le monde

Niger : l’impérialisme à la manœuvre

Le bras de fer se poursuit entre les militaires qui ont pris le pouvoir au Niger et les protecteurs, exploiteurs en fait, occidentaux de ce pays. Car c’est bien eux qui sont à la manœuvre derrière la Cedeao, la Communauté économique des pays d’Afrique de l’Ouest.

Illustration - l’impérialisme à la manœuvre

La Cedeao menace d’intervenir militairement et fait des préparatifs en ce sens avec le soutien des gouvernements français et américain. Ce ne serait d’ailleurs pas la première fois que les troupes de tout ou partie de la Cedeao interviendraient au nom ou en soutien des puissances impérialistes.

Réunis le 10 août, les dirigeants des États membres ont déclaré vouloir « privilégier l’action pacifique ». Cela consiste à étrangler économiquement le Niger au moyen des sanctions économiques en vigueur depuis fin juillet. L’interruption de la fourniture d’électricité touche la population dans sa vie quotidienne. De même l’arrêt des transactions bancaires, en plus d’entraver l’activité économique, empêche les familles de toucher les mandats envoyés par leurs proches résidant à l’étranger. Or, comme dans nombre de pays très pauvres, la survie de bien des familles en dépend. L’étranglement du Niger, voulu par la France et les États-Unis sous prétexte de rétablir la démocratie, c’est donc avant tout l’étranglement des plus démunis.

Les militaires au pouvoir se servent évidemment de ces menaces et de ces pénuries pour chercher un soutien populaire. Ils ont beau jeu de laisser accuser la France d’avoir pillé leur pays, et pas seulement ses mines d’uranium, pendant des dizaines d’années. C’est l’exacte vérité. Ils n’ont pas plus de mal à affirmer que la précédente équipe au pouvoir, celle du président Mohamed Bazoum, grand ami des Français, était corrompue jusqu’à la moelle. Les alignements de villas luxueuses récemment édifiées dans la capitale le montrent aux yeux de tous car il est notoire qu’elles ont été financées par les détournements de fonds publics. Mais, et les travailleurs du pays doivent s’en souvenir, ces généraux font partie du même monde que ceux qu’ils prétendent remplacer, à commencer par le chef de la junte, le général Tiani, ex-responsable de la garde présidentielle. Formés comme eux par les protecteurs français, instructeurs, fournisseurs et financiers de l’armée, probables propriétaires de quelques-unes de ces villas, ils ont en outre trempé dans un détournement de fonds géant portant sur les fournitures militaires en 2019.

Les représentants de l’impérialisme français et, au-dessus d’eux, ceux du grand frère américain, connaissent bien ces généraux. Mais ils ne peuvent pas laisser faire, le Niger étant la base principale des forces armées occidentales dans la région et un pion essentiel dans leur dispositif. C’est aussi, pour la France et son industrie nucléaire, un important fournisseur d’uranium. En outre, au Niger comme ailleurs, les dirigeants impérialistes n’aiment pas se faire imposer quoi que ce soit, fut-ce par des généraux alliés.

Les appels des officiels français au respect de la démocratie seraient risibles si la situation prêtait à rire. La France a conquis le Niger par les armes, l’a tenu sous sa botte par la force et décide depuis son indépendance de qui y fait quoi, y compris au gouvernement. Il n’y a pas un coup d’État sur la dizaine que ce pays a subis depuis 1960 où n’apparaît la main des services spéciaux français, pour le préparer ou pour le dénouer.

Pour montrer leur détermination, les généraux nigériens ont nommé un gouvernement et affirment disposer d’un soutien populaire capable de résister à toute intervention extérieure. Lundi 14 août, après avoir reçu une délégation de responsables religieux en vue d’une négociation avec la Cedeao, les généraux putschistes, non contents de maintenir le président Bazoum en détention, l’inculpaient pour haute trahison. Les pays de la Cedeao répliquaient immédiatement en annonçant une réunion de leurs états-majors pour préparer l’intervention militaire, le gouvernement français les assurant de son soutien.

La misère des populations africaines, la pourriture engendrée par la domination impérialiste, les tensions dans les relations internationales, la montée en puissance et la fréquence des interventions militaires, font que le moindre coup politique peut déclencher un cataclysme. En l’espèce, la défense des privilèges d’un quarteron de généraux nigériens peut déboucher sur une guerre généralisée dans toute une partie d’un continent pillé et ravagé par l’impérialisme.

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