Turquie : catastrophe annoncée08/02/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/02/2845.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Turquie : catastrophe annoncée

Vingt-quatre heures après les premières secousses qui ont frappé le sud-est de la Turquie et la Syrie voisine dans la nuit du 5 au 6 février, le bilan provisoire était déjà de presque 5 000 morts et 19 500 blessés dans les deux pays.

Malheureusement, on pouvait s’attendre à ce que ces chiffres augmentent encore énormément. En référence à des séismes précédents, le nombre final de victimes pourrait être plusieurs fois plus élevé. Ce ­seizième séisme est le plus important en Turquie depuis le tremblement de terre du 17 août 1999, qui avait causé la mort de 17 000 personnes, dont un millier à Istanbul. 185 répliques consécutives ont été enregistrées après les deux premières secousses ; l’une, de magnitude 7,8, est survenue en pleine nuit, l’autre, de magnitude 7,5, à la mi-journée, toutes les deux dans le sud-est de la Turquie. Les rescapés, surpris en pleine nuit, n’ont eu d’autre choix que de se précipiter dans les rues et d’y rester dans la neige et le froid.

En Turquie, dix départements et 13,5 millions de personnes sont touchés. Le pays est situé dans une région très sujette aux tremblements de terre, très observée par les sismologues turcs et étrangers. Un spécialiste turc, ­Gorur, a rappelé qu’ils avaient tiré à de nombreuses reprises le signal d’alarme sur les risques encourus dans la zone qui vient d’être frappée, sans qu’il y ait eu aucune suite ni aucune précaution prise.

On a vu de grands immeubles s’écrouler d’un seul coup comme un château de cartes ; la raison en est connue : la mauvaise qualité des constructions, faites à l’économie de matériaux, quand ce n’est pas de façon frauduleuse, n’a rien à voir avec ce qui serait nécessaire dans une région sismique. L’organisation des secours elle-même, malgré le dévouement des sauveteurs, n’est en rien prévue pour faire face à une telle catastrophe annoncée. Quand il s’agit d’intervenir militairement dans les régions kurdes, de part et d’autre de la frontière, le régime sait déployer bien d’autres moyens.

À la suite du tremblement de terre, on a pu entendre les discours d’Erdogan et des hommes de son parti sur les grands médias du pays, qu’ils contrôlent à 95 % : « Soyez tranquilles, Dieu nous protège tous, le tremblement de terre est voulu par Dieu mais notre État est puissant et vos blessures seront guéries très rapidement. » Cela tient lieu d’argumentation au pouvoir et autant dire qu’il n’y a pas grand-chose à attendre de ce côté-là. Témoignage de la façon dont les secours sont débordés, dans la ville d’Adiyaman, certains rescapés, après avoir été dégagés des décombres, sont restés ­dehors et sont morts de froid la nuit même.

Pour la population, le prix à payer pour le mépris des autorités est lourd et bien des sinistrés peuvent désormais s’attendre à devoir vivre pendant des semaines, voire des mois, sous une tente et dans le froid.

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