Darmanin : mémoire sélective08/02/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/02/2845.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Darmanin : mémoire sélective

« Je rappelle que, contrairement à ce qu’on raconte, […] c’est la République française qui a aboli l’esclavage » a affirmé dans un colloque le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, à propos de l’esclavage aux Antilles.

Il y a là une présentation partielle et tendancieuse qui ignore le fait que les esclaves ont d’abord eux-mêmes conquis leur liberté, les armes à la main. Lorsque la Convention, au point culminant de la Révolution française, abolit l’esclavage le 4 février 1794, cela faisait déjà trois ans que les esclaves d’Haïti avaient entrepris la lutte armée sous la conduite de Toussaint Louverture. Et quand en 1802 Napoléon envoya son armée pour rétablir l’esclavage, ce furent encore les armées d’esclaves qui balayèrent ses troupes. La France imposa ensuite à Haïti un lourd tribut, menaçant l’île d’un blocus.

En Guadeloupe, la France, comme dirait Darmanin, n’accepta pas longtemps l’abolition proclamée par la Convention. Napoléon envoya là aussi des troupes, qui parvinrent à rétablir l’esclavage en massacrant 600 personnes. Ce n’est qu’en février 1848 qu’il fut finalement aboli. Encore fallut-il que les esclaves se mobilisent pour éviter tout retour en arrière. Inquiets des lenteurs du gouvernement français, ils se soulevèrent et forcèrent les gouverneurs de Martinique et de Guadeloupe à proclamer l’abolition avant même l’arrivée du décret. Le gouvernement français, de son côté, indemnisa les anciens propriétaires d’esclaves.

Les propos de Darmanin sont révélateurs d’une ignorance de classe. Elle consiste à cacher les révoltes d’hier dans l’espoir de conjurer celles d’aujourd’hui.

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