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Grande-Bretagne : rassurer la finance, faire payer les travailleurs
Le 14 octobre, sous la pression des marchés financiers, la Première ministre, Liz Truss, a fini par se séparer de son ministre de l’Économie, Kwasi Kwarteng.
Dès le 17, son remplaçant, Jeremy Hunt, a esquissé un nouveau projet de budget taillé sur mesure pour rassurer les capitalistes, mais pas moins nuisible que le précédent aux intérêts du monde du travail.
Le mini-budget présenté le 23 septembre par Kwarteng, comprenant dépenses publiques en hausse et baisses massives d’impôts, au lieu du choc de croissance promis, n’avait réussi qu’à faire dévisser la livre sterling et paniquer les propriétaires de capitaux. Car Kwarteng avait omis de fournir des données un tant soit peu crédibles quant au financement de ses mesures. C’est ce vent de panique boursier qui a conduit à son limogeage après seulement six semaines à son poste.
En nommant Hunt à la place de son alter ego, Truss a été contrainte de manger son chapeau. Car les premières annonces de Hunt sont un détricotage en règle de ce qui faisait l’essence du « trussisme ». Pour tenter de restaurer la confiance de la haute bourgeoisie, il a en effet mis un point d’honneur à présenter un budget moins dispendieux, loin du Big Bang initialement voulu par sa cheffe.
Truss, qui voulait supprimer la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu, a dû faire machine arrière. Elle voulait un impôt sur les bénéfices des sociétés à 19 %, Hunt va le porter à 25 %. Pour ramener de l’argent dans les caisses de l’État, il ne se contente pas de limiter, un peu, les cadeaux fiscaux aux plus riches. Il va surtout revoir à la baisse l’enveloppe de 100 milliards de livres avec laquelle Truss prétendait plafonner les dépenses énergétiques à 2 500 livres par an pour un foyer moyen. La mesure, qui ne durera que six mois au lieu de deux ans, prendra fin dès avril 2023. Et tant pis si les factures de millions de travailleurs repartent alors à la hausse !
Le rétropédalage de Truss et les engagements de Hunt, aidés par le rachat à grande échelle d’obligations d’État par la Banque d’Angleterre, ont pour l’instant stoppé la dégringolade de la livre. Mais aucun expert ne se hasarde à parler de rétablissement durable, tant l’avenir de l’économie britannique est incertain. Le ralentissement de l’activité depuis le Brexit est évalué à 4 % et les prévisions de croissance pour les mois à venir sont nulles voire négatives.
Quels que soient les prochains soubresauts de cette économie folle, les travailleurs payent déjà le prix fort pour ses dysfonctionnements, avec un pouvoir d’achat et des conditions de travail ramenés une génération en arrière. Comme si cela ne suffisait pas, les mesures annoncées vont alourdir l’addition. En promettant de relever son taux d’intérêt de 2,25 % à 4,5 %, la Banque d’Angleterre va renchérir le coût des remboursements immobiliers de millions de Britanniques, déjà étranglés par la flambée de tous les prix. Leur hausse, d’au moins 6%, sera répercutée sur les loyers.
Quant à Hunt, il annonce la couleur plus franchement encore que Truss, qui prétendait satisfaire les plus aisés tout en protégeant les plus vulnérables. Lui parle de « décisions difficiles », sans cacher qu’il s’apprête à tailler dans les effectifs de la fonction publique et dans les services rendus à la population. Ex-ministre de Cameron et de May, comme Truss elle-même, il en connaît un rayon en matière de politique d’austérité… Pour compléter le tout, le gouvernement envisage de nouvelles entraves au droit de grève, déjà fort restreint en Grande-Bretagne.
La nomination de Hunt suffira-t-elle à sauver le gouvernement Truss ? Les députés du Parti conservateur sont partagés entre l’envie de se débarrasser d’une cheffe déjà décrédibilisée après moins de deux mois à son poste, et la peur d’attiser ainsi jusqu’à l’autodestruction les divisions qui le minent. Le désarroi des Tories fait le bonheur des politiciens travaillistes, qui se réjouissent de leur avance de 30 points dans les sondages et se tiennent prêts, au cas où les prochaines élections législatives, prévues en décembre 2024, devraient être avancées.
Pour les travailleurs, la question n’est pas de savoir qui occupe Downing Street : Truss, un éventuel remplaçant conservateur, ou le chef du Labour Keir Starmer. Quoi qu’en disent les dirigeants des syndicats, favorables au retour du Labour aux affaires. De la part de responsables politiques qui se veulent tous des gérants loyaux du capitalisme, les exploités n’ont que des coups à attendre. La priorité est de renforcer les mouvements sociaux en cours, et d’œuvrer à ce que les grèves, jusqu’à présent dispersées, débouchent sur une lutte d’ensemble contre le grand patronat.