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Côte d’Ivoire : les fauteurs de guerre civile
L’élection présidentielle du 31 octobre en Côte d’Ivoire a donné lieu à des affrontements dans lesquels, selon l’opposition, une trentaine de personnes ont perdu la vie. C’est le résultat de plusieurs mois de campagne au cours desquels les principaux prétendants ont tout fait pour entraîner la population dans des heurts sanglants.
L’actuel président, Alassane Ouattara, a été proclamé élu avec 94 % des voix. Il ne devait pas se représenter et avait lui-même révisé la Constitution en 2016 pour limiter à deux le nombre de mandats présidentiels, ce qui l’excluait du prochain scrutin. Son Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, devait lui succéder pour préserver les intérêts du clan. Tout était donc prévu, sauf la mort subite de Coulibaly, victime d’un infarctus le 8 juillet dernier. Ouattara a alors invoqué un cas de force majeure pour se présenter.
Les leaders de l’opposition, Henri Konan Bédié et Pascal Affi N’Guessan, ont aussitôt crié à l’imposture et appelé au boycott actif de ces élections, sans pour autant retirer leur candidature. Le 31 octobre, ils ont appelé leurs partisans à empêcher physiquement la tenue du vote. Le pouvoir avait de son côté déployé 35 000 policiers, gendarmes et militaires pour que le scrutin se tienne envers et contre tout.
De nombreux habitants d’Abidjan, la capitale économique, avaient préféré quitter la ville à la veille du scrutin. Ceux qui ne sont pas partis ont souvent fait le choix de rester chez eux et de ne pas aller voter, que ce soit par crainte des violences ou pour suivre l’appel de l’opposition. Certains bureaux de vote n’ont pas pu ouvrir, isolés par des barricades tenues par des jeunes. Dans d’autres, c’est le matériel électoral qui avait été dérobé. Quant aux bureaux ouverts malgré tout, beaucoup sont restés pratiquement déserts.
Cela n’a pas empêché Alassane Ouattara, au soir des élections, de se déclarer satisfait de la tenue du scrutin, où la participation aurait été de 54 %. L’opposition de son côté déclarait que ces élections ne valaient rien et affirmait que la participation n’avait été que de 10 %. Elle appelait à une « transition civile » et à de nouvelles élections. Tout cela a un air de déjà-vu et laisse augurer le pire.
Depuis plus de vingt ans, la rivalité de ces principaux prétendants pour accéder à la mangeoire gouvernementale a régulièrement abouti à des affrontements meurtriers. Ils se sont opposés, réconciliés, puis à nouveau désunis et, dans ce combat motivé par leurs seuls intérêts, ils n’ont jamais hésité à jeter une partie de la population contre l’autre et à susciter des haines tenaces en son sein.
À la mort de Félix Houphouët-Boigny en 1993, Alassane Ouattara était Premier ministre et Henri Konan Bédié président de l’Assemblée nationale. Pour triompher de son rival dans la course à la succession, Konan Bédié avait lancé le concept d’ivoirité, qui exigeait d’un candidat à la présidence qu’il soit né de père et de mère de nationalité ivoirienne, ce qui n’était pas le cas d’Ouattara. Cette discrimination fit des ravages lorsque, aux élections de 1999, Ouattara fut interdit de candidature et qu’un ancien opposant à Houphouët-Boigny, Laurent Gbagbo, devint président.
La guerre civile déclenchée peu après aboutit à la partition du pays, le Nord étant tenu par les bandes armées de Ouattara et le Sud restant aux mains de Gbagbo. Dans les deux camps, les massacres de populations civiles furent la règle, tout comme l’utilisation des rivalités interethniques. Les élections opposant Laurent Gbagbo à Alassane Ouattara en 2010, censées mettre fin au conflit, se conclurent par un massacre où 3 000 personnes perdirent la vie, notamment à Abidjan. Ouattara ne l’emporta finalement que grâce au soutien de l’armée française qui, depuis le début était de fait l’arbitre de cette guerre civile.
Aujourd’hui, on retrouve les mêmes : Ouattara, Konan Bédié, et Affi N’Guessan, lui-même ancien Premier ministre de Gbagbo. Il faut y ajouter Gbagbo lui-même et Guillaume Soro, cet ancien chef des Forces nouvelles pro-Ouattara pendant la guerre civile, dont on ne compte plus les exactions. Tous deux sont en exil et ont vu leur candidature invalidée, mais ils ne se privent pas pour autant de mobiliser leurs partisans au pays et ont rejoint le camp des opposants au troisième mandat de Ouattara.
Tout cela se fait sous l’œil attentif du gouvernement français, dont Ouattara, comme l’opposition, sollicitent le soutien. La Côte d’Ivoire est depuis l’indépendance la tête de pont de l’impérialisme français en Afrique de l’Ouest. Les capitalistes français, comme Bouygues ou Bolloré, y jouissent d’une situation privilégiée, et tous les candidats aspirent aujourd’hui à les servir, comme ils l’ont toujours fait, en même temps qu’ils tiennent à se servir eux-mêmes.
Tous ces candidats au pouvoir ont maintes fois montré comment ils menaient leurs combats pour l’accès aux richesses avec le sang des travailleurs, et s’entendaient à les dresser les uns contre les autres, ethnie contre ethnie. Tous sont les ennemis mortels du monde du travail, qui ne peut leur opposer que son unité et sa lutte autour de ses objectifs de classe.