Bridgestone – Béthune : face à la fermeture23/09/20202020Journal/medias/journalnumero/images/2020/09/2721.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Bridgestone – Béthune : face à la fermeture

Mercredi 16 septembre, le fabricant de pneus Bridgestone, numéro un mondial, annonçait brutalement la fermeture de son site de Béthune en 2021 et son intention de jeter à la rue les 863 salariés qui restent aujourd’hui, après avoir été des milliers. La productivité, elle, n’a pas cessé de grimper.

Les médias et politiciens ont parlé de catastrophe sociale et se sont dit « abasourdis », « écœurés », « trahis ». « Ça va être la guerre », a même lancé Xavier Bertrand, le président de la région des Hauts-de-France ! En fait, tous jouent un rôle en parlant de réindustrialisation du site et de défense de l’emploi. La ministre-déléguée à l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher, a ainsi salué l’union sacrée des élus du territoire pour exiger des dirigeants des solutions pour « remettre de la compétitivité et de l’investissement sur le site ». Xavier Bertrand affirme que les soutiens financiers nécessaires seront là pour « assurer un avenir industriel et préserver les emplois, après les fermetures de Continental en 2010 dans l’Oise et Goodyear en 2014 à Amiens ». Tout en affirmant que tous les emplois ne pourraient pas être conservés.

Des subventions publiques, ce n’est pas ce qui a manqué à Bridgestone. Dès le début de l’usine en 1961, dans le cadre de la reconversion des mines, Firestone américain, puis Bridgestone japonais en ont vécu. Tous rappellent le 1,8 million de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi de 2018, les 500 000 euros du conseil régional… accordés à un trust qui fait des milliards de bénéfices dans le monde depuis des années. Encore en 2019, il affichait près de 10 % de profits : 2,5 milliards d’euros pour un chiffre d’affaires d’environ 27 milliards.

Pour les actionnaires de Bridgestone, ce n’est pas encore assez, et les dirigeants parlent de surcapacité chronique de production en Europe, de concurrence des marques asiatiques à bas coût, de problèmes de marché structurels et affirment que Béthune serait l’usine la moins performante du groupe. Le Covid-19 n’aurait rien arrangé avec la chute du marché automobile.

À gauche, le secrétaire national du PCF Fabien Roussel réclame maintenant « 200 à 300 millions d’euros d’investissement des actionnaires et du gouvernement », ajoutant : « Bridgestone a investi 140 millions d’euros en Pologne, 190 millions en Hongrie et ferme Béthune… tout cela avec l’argent de l’Union européenne ». La sénatrice du PCF du Pas-de-Calais accuse aussi l’UE d’avoir financé Bridgestone pour qu’il installe des « belles usines en Europe de l’Est qui sont venues nous concurrencer. » De plus, elle met en avant le cas du site de Bari en Italie, qui a failli connaître un sort analogue mais qui, dit-elle, « suite à l’intervention du gouvernement italien, tourne toujours et ses salariés vivent de leur travail et pas de l’aumône publique ». Elle se garde de rappeler qu’à Bari, les travailleurs sont passés de 950 à 550 avec un salaire réduit.

Tout cela revient à réclamer de l’argent à l’État pour aider Bridgestone et aussi à laisser entendre, sur un petit air nationaliste, que l’Union européenne préfère financer d’autres pays que la France. « On importe plus de pneumatiques qu’on en fabrique ou qu’on en exporte… il faut fabriquer les pneumatiques en France », disent des responsables CGT, comme si c’était là le problème.

Évidemment, les capitalistes exploitent les travailleurs où cela leur rapporte le plus, profitant des salaires bas et des subventions élevées. Ils profitent de la situation pour mettre en concurrence les travailleurs, les pays, les régions. Ce ne sont pas des discours qui les arrêteront. Lundi 21 septembre, une réunion a eu lieu à Béthune avec la ministre du Travail et la ministre déléguée à l’Industrie, en présence de nombre d’élus de la région, de droite, de gauche, de LREM et du FN. Les organisations syndicales disaient qu’elles avaient de l’espoir et voulaient dire aux ministres que le « gouvernement peut tout faire, il peut dire non, c’est l’État qui commande. » Mais dans un communiqué publié à la fin de la réunion, la direction européenne de Bridgestone balayait cette illusion en déclarant que la fermeture du site de Béthune était « la seule option ». Cependant elle voulait bien « participer activement à la recherche de solutions pour le site et le territoire ». Cela a suffi à l’intersyndicale (CGT, Sud-Chimie, CFDT, UNSA, FO, CFTC et CFE-CGC) pour déclarer : « On est dans la discussion ! », appelant à l’unité pour sauvegarder le site. Mais qui peut encore croire à un quelconque engagement de la direction de Bridgestone ?

Les travailleurs de Bridgestone sont loin d’être seuls : toutes les semaines, il y a des annonces de licenciements ou de fermetures d’entreprises. Les capitalistes fabriquent du chômage et seule la colère de l’ensemble des travailleurs pourra les arrêter et imposer le maintien des emplois et des salaires et la répartition du travail entre tous.

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