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Dans les entreprises
ADP : la “ poule aux œufs d’or ” veut licencier
« Nous devons procéder à des ajustements de même nature que ceux des compagnies aériennes ». Quand Augustin de Romanet, PDG d’ADP (ex-Aéroports de Paris), parle d’ajustements dans Le Journal du Dimanche, cela signifie, et tout le monde l’aura compris, qu’il s’apprête, comme Air France par exemple, à continuer à sabrer en grand dans les emplois.
Les emplois des quelque 7 000 salariés d’ADP en France (sur près de 26 000 dans le monde) sont ainsi sur la sellette, après que le numéro un du monde des aéroports avait déjà jeté à la rue des milliers de CDD, intérimaires et employés de sous-traitants dès le début de la crise sanitaire.
Début juin, Romanet avait préparé son mauvais coup en déclarant sur Europe 1 : « Pendant trois ans, avec les débats sur la privatisation [d’ADP], on a dit que nous étions une poule aux œufs d’or. Eh bien, un jour, la poule aux œufs d’or n’a plus d’œufs. »
C’est un mensonge… en or. Car, s’il est vrai que, du fait du coronavirus, la quasi-interruption du trafic aérien a affecté la « poule aux œufs d’or »-ADP, elle n’en sort pas, loin s’en faut, totalement déplumée.
Son PDG l’a avoué à mi-mot dans les médias, en chiffrant à seulement 50 % la perte en chiffre d’affaires d’ADP. Et il ne faut pas oublier qu’ADP, premier groupe mondial pour la gestion des aéroports (45 dans divers pays, dont 12 en France : Roissy, Orly, Le Bourget, etc.), n’a pas placé tous ses œufs dans le même panier. C’est un groupe financier international de gestion d’actifs et, aussi, ce qui n’a pas pâti de la crise sanitaire, le premier propriétaire foncier d’Île-de-France avec 7 000 hectares de terrains !
Les activités aéroportuaires, commerciales, financières et autres d’ADP, en plus d’un régime d’imposition spécifique très avantageux, ont fait qu’avant cette crise, le cours de son action ne cessait de croître (+ 165 % en cinq ans) et qu’entre 2016 et 2019, ADP avait offert deux milliards de dividendes à son principal actionnaire, l’État français. C’est dans ces conditions que le gouvernement avait prévu de le privatiser : ce groupe florissant aurait dû rapporter gros aux capitalistes ayant acheté une part du capital qu’y détient l’État français (50,6 %), à côté de l’État néerlandais (8 %) et du premier actionnaire privé d’ADP, le géant du BTP Vinci (8 %), ainsi que des fonds de placements, des banques d’affaires.
Depuis l’introduction d’ADP en Bourse, en 2006, ses actionnaires publics et privés ont accumulé des dizaines de milliards de profits. Ceux-ci suffiraient amplement à garantir tous les emplois dans le secteur aéroportuaire. À commencer par les milliards engrangés par l’État, puisque, de Macron à Le Maire et Philippe, ses dirigeants prétendent avoir pour souci de « préserver l’emploi ».
Mais quelle préservation de l’emploi ? Le ministre de l’Économie fait mine de froncer les sourcils en « découvrant » tous les emplois que veut supprimer Air France, alors que depuis des semaines ces chiffres circulent dans la compagnie et que l’État, qui est son premier actionnaire, ne peut l’ignorer puisqu’il y a donné son aval.
« Après chaque crise, disait Ramonet dans son dernier rapport d’activité, l’industrie aéroportuaire a su s’adapter et redécoller. » La « poule aux œufs d’or » sait non seulement voler – et voler le produit du travail des dizaines de milliers de travailleurs qu’elle exploite – mais elle se prépare à voler encore plus haut dans le ciel des profits, après s’être délestée d’une partie d’entre eux.
En tout cas, si les travailleurs des aéroports n’y font pas échec, c’est ce que veulent Ramonet et la ministre, Élisabeth Borne, qui vient d’annoncer que la privatisation d’ADP pourrait reprendre en 2022, une fois que cette super machine à dégager des profits tournera de nouveau à plein rendement.