Grande-Bretagne : vers un Brexit “d’Union nationale” ?03/04/20192019Journal/medias/journalnumero/images/2019/04/2644.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : vers un Brexit “d’Union nationale” ?

Malgré les promesses faites depuis deux ans par la Première ministre conservatrice Theresa May, la Grande-Bretagne n’est pas sortie de l’Union européenne (UE) à la date prévue du 29 mars.

Par trois fois, May aura tenté de faire ratifier par le parlement britannique son accord de divorce avec l’UE. Mais par trois fois elle a échoué, face aux factions favorables à un Brexit « dur » de son propre parti. Du coup, pour éviter le choc d’un départ sans accord, choc dont le grand capital ne veut pas, ni d’un côté ni de l’autre de la Manche, May a dû se résoudre à quémander un sursis auprès de Bruxelles.

Les échéances ont donc été repoussées par l’UE en fonction de divers scénarios : si le parlement britannique adoptait l’accord de divorce avant le 12 avril, la Grande-Bretagne aurait jusqu’au 22 mai pour quitter l’UE sur cette base ; dans le cas contraire, la Grande-Bretagne devrait quitter l’UE sans accord, dès le 12 avril.

Plus ou moins officiellement, un troisième scénario fut envisagé, dans lequel May aurait bénéficié d’un sursis plus souple à condition de pouvoir présenter un aménagement de l’accord de divorce ayant assez de soutien en Grande-Bretagne, tout en étant acceptable par l’UE, pour justifier une reprise des négociations.

Mais il ne fallut pas longtemps à May pour réaliser qu’elle n’avait aucune chance de faire voter son accord de divorce en l’état, en tout cas, pas sans l’aide de l’opposition travailliste de Jeremy Corbyn contre les ultras de son propre parti ! Et c’est le sens de sa déclaration du 2 avril, dans laquelle May a annoncé son intention de débloquer la situation en faisant appel à Corbyn pour réaliser l’« Union nationale » derrière son projet de divorce, sur la base d’un « accord mutuellement acceptable », l’aménagement auquel faisait référence le troisième scénario de l’UE.

Reste à savoir ce que May entend par là. Pendant quinze jours, elle a donné la possibilité aux députés de se prononcer à titre indicatif sur les futures relations entre la Grande-Bretagne et l’UE et sur la façon d’y parvenir. De ces votes il ressort qu’aucune option ne dispose d’une majorité, mais que certaines disposent de nettement plus de soutien que d’autres : en particulier l’inclusion de la Grande-Bretagne dans l’union douanière de l’UE et l’organisation d’un deux­ième référendum pour confirmer ce choix, le fameux People’s Vote (Vote populaire) pour lesquels près d’un million de manifestants ont envahi les rues de Londres, le 23 mars. De nombreux commentateurs s’attendent donc à ce que May offre à Corbyn une version de ces deux options.

S’agissant de Corbyn, tout est possible. D’un côté le leader travailliste, qui offre depuis longtemps ses services à la bourgeoisie pour négocier un Brexit conforme à ses désirs, réclame des élections anticipées, ce que May veut à tout prix éviter. De l’autre, Corbyn pourrait considérer que le fait de se prêter à l’« Union nationale » prônée par May pour mettre fin à la paralysie des institutions politiques face au Brexit, serait un moyen de faire ses preuves en tant qu’homme d’État responsable.

L’avenir dira quels choix Corbyn fera à cet égard, quelle forme prendra l’« Union nationale » prônée par May et comment tout cela sera reçu par les travailleurs. Mais pour l’instant, c’est avec un mélange d’impatience excédée et d’incompréhension totale que la plupart d’entre eux regardent ce qui se passe du côté du Brexit.

C’est tout particulièrement vrai des quelque 17 000 ouvriers qui ont été mis en chômage technique pour deux à quatre semaines à compter du début avril, dans les usines de Jaguar-Land-Rover, BMW et Vauxhall-PSA, au motif que ces compagnies avaient prévu d’arrêter la production pour se protéger des à-coups d’un Brexit qui n’a finalement pas eu lieu à la date annoncée ! Et c’est sans parler de milliers d’autres ouvriers chez Honda, Nissan, Toyota ou Ford, auxquels les patrons ont annoncé des baisses de production, voire une fermeture complète des sites, comme dans le cas de Honda.

Ces travailleurs à qui le patronat dit, d’ores et déjà, que ce sont eux qui feront les frais du chaos du Brexit, auront bien des comptes à demander aux politiciens conservateurs qui en ont pris l’initiative et qui s’apprêtent à en assurer la gestion et aux patrons qui cherchent à profiter de ce chaos pour aggraver l’exploitation. En tout cas, dès aujourd’hui, ils ont toutes les raisons de se méfier de cette nouvelle tentative d’« Union nationale » comme de la peste.

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