- Accueil
- Lutte ouvrière n°2134
- Rhodia : Le droit de polluer
Dans les entreprises
Rhodia : Le droit de polluer
La taxe carbone, dont le gouvernement nous rebat les oreilles depuis que les écologistes ont fait un bon score aux élections, a eu un prédécesseur : les droits à polluer des industriels européens, réglementés depuis le protocole de Kyoto en 2005.
Les industriels, suivant la nature de leurs installations, se sont alors vu accorder la permission d'émettre une quantité donnée de CO2 dans l'atmosphère. Depuis, s'ils en émettent moins, ils reçoivent des droits à polluer pour le montant correspondant. Ces droits sont négociables sur un marché spécialisé et sont achetés par les industriels qui ont, eux, dépassé leur quota ou qui veulent pouvoir le faire.
Par exemple la société Rhodia, spécialisée dans la chimie, avait investi 15 millions d'euros en 2005 pour rendre deux usines moins polluantes. En vertu de quoi elle s'est vu attribuer 11 à 13 millions de tonnes de droit à polluer, tous les ans, de 2007 à 2013. Or la tonne de CO2, ou plutôt le droit de libérer une tonne de CO2 dans l'atmosphère, se négociait alors autour de 8,5 euros. les quinze millions investis peuvent ainsi rapporter huit fois la mise, tous les ans pendant cinq ans, si les cours se maintiennent ! Au point que Rhodia a fondé avec la Société Générale une société financière, dans le seul but de faire fructifier ses droits à polluer et d'intervenir sur ce marché. Il s'agit de la société Orbeo, qui annonce avec une naïveté désarmante : « Le changement climatique est là pour durer. Le commerce des émissions (de gaz) a été la nouvelle réponse la plus rapide. »
La méthode s'étant étendue à d'autres parties du monde, Orbeo exporte désormais son « savoir-faire » jusqu'en Chine. Pour une tonne de CO2 en moins dans l'atmosphère, quelle quantité de pollution financière y aura-t-il en plus, combien de millions de dollars de capital fictif et spéculatif tournant follement dans les ordinateurs jusqu'au krach ?
Pendant ce temps, la main financière de Rhodia, qui brasse de l'or, ignore ce que fait sa main industrielle, qui en gagne un peu moins mais qui lui est indispensable. Le groupe, pourtant extrêmement profitable, projette un plan d'économies accompagné de 130 suppressions de postes sur ses sites français et du blocage des salaires.
Et voilà comment la préoccupation écologique et son passage dans la loi peuvent devenir des objets de spéculation capitaliste.