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Sarkozy en Russie : Beaucoup de bruit pour pas grand-chose
" On est contents. Honnêtement, ce n'était pas gagné d'avance ", aurait confié Sarkozy à la presse, quittant Moscou le 8 septembre à la suite de sa rencontre avec le président russe Medvedev au sujet de l'évolution du conflit russo-géorgien. Le but officiel était d'obtenir la confirmation de l'application par la Russie des conditions de l'accord de cessez-le-feu du 12 août, prévoyant le retrait des troupes russes de Géorgie.
Au-delà de son habituelle satisfaction à occuper le petit écran, le président en exercice de l'Union européenne n'a pas eu grand-chose à afficher au bilan de sa visite. Il a pu tout au plus étaler devant des auditeurs complaisants sa fermeté d'opérette lors d'une péripétie de la rencontre. Sarkozy aurait repéré dans le texte d'accord la disparition d'une précision sur le retrait des forces russes " sur les lignes antérieures au 7 août ", donc avant leur intervention. " Pour nous, c'était une ligne rouge ", a-t-il fanfaronné. " J'ai pris ma veste et j'ai dit : On s'en va. " Pour la petite - sinon pour la grande - histoire, Medvedev aurait, paraît-il, rétabli le membre de phrase, ce qui laisse cependant toute la place à une équivoque sur le territoire de repli : en Russie, ou en Ossétie du Sud et en Abkhazie ? Plus probablement dans ces dernières.
Et même si la délégation européenne se targue d'avoir obtenu de la Russie l'évacuation des zones géorgiennes " tampon " en bordure de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie et l'envoi de deux cents " observateurs " européens censés contrôler ce retrait, les dirigeants russes n'ont pas l'intention de reculer sur le statut des deux régions indépendantes. Ils ont même annoncé le maintien de plusieurs milliers de soldats sur le territoire de chacune de ces Républiques.
Le fait est qu'après avoir, début août, embouché les trompettes de la défense de la Géorgie face à ce qu'ils présentaient comme l'agression russe, les États européens se trouvent bien embarrassés par le conflit. L'attaque géorgienne en Ossétie du Sud, répondant au nom de code significatif de " Champ rasé ", ne suscite désormais plus un concert de soutiens unanimes et les dirigeants ouest-européens, Sarkozy inclus, n'attendent qu'un délai formel pour reprendre les discussions sur le partenariat économique, autrement dit essentiellement les achats de gaz au profit de Gaz de France-Suez, de l'italien ENI et de l'allemand E-on.
Mais les raisons réelles du déclenchement du conflit, par Géorgie interposée, demeurent. La politique des États-Unis, depuis 1991, est d'élargir leur zone d'influence, en s'appuyant au besoin sur d'anciens États soviétiques voulant prendre leurs distances d'avec Moscou. C'est ce qui s'est produit en Géorgie, où les États-Unis et leurs alliés ont livré depuis des années des armements et aides diverses au régime de Tbilissi, et semble-t-il une assistance concrète dans le récent conflit.
Vis-à-vis de cette politique du plus puissant des impérialismes, l'attitude des États européens varie du soutien ouvert, comme dans le cas de la Grande-Bretagne, au suivisme plus hésitant de l'Allemagne, de l'Italie ou de la France, désireux tout à la fois de sauvegarder leurs bonnes relations commerciales avec la Russie, et de donner satisfaction à la fraction atlantiste de leur population. Jusqu'au jour où leurs prétentions à la fermeté sombrent dans le ridicule. Et où les gesticulations d'un président de l'Union européenne, en place pour six mois, semblent bien dérisoires.