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Belgique : Derrière la comédie communautaire, l'enrichissement des plus riches
Le 15 juillet, le Premier ministre Yves Leterme a remis sa démission au roi... qui l'a refusée trois jours plus tard. C'est le dernier épisode de la crise communautaire qui dure maintenant depuis treize mois.
Une énième réforme de l'État belge est en cours, avec comme enjeu la régionalisation de la Sécurité sociale et d'une grande partie du fisc. Cette réforme ne peut être mise en oeuvre que si deux tiers des parlementaires la votent, c'est-à-dire si une partie des parlementaires francophones approuvent une réforme qui servira avant tout les intérêts du patronat flamand.
Avec la régionalisation de la Sécurité sociale, la Flandre, plus riche, ne paierait plus (ou nettement moins) pour la Wallonie plus pauvre. Et la régionalisation du fisc permettrait de réduire les impôts en Flandre. Le patronat flamand y voit évidemment un moyen supplémentaire de gonfler ses profits. Quant aux travailleurs flamands, ils n'en verraient évidemment pas la couleur. Mais pour la population de Wallonie et de Bruxelles, où le chômage reste très élevé, les conséquences seraient dramatiques, du fait de la baisse des ressources de la Sécurité sociale et de celles des régions wallonne et bruxelloise.
Pour les représentants francophones au gouvernement fédéral, cette réforme est difficile à accepter, surtout pour le PS, longtemps le parti le plus fort en Wallonie et qui a toujours accusé « les Flamands » de toutes les mesures d'austérité imposées à son électorat populaire wallon. Mais, dans les faits, les partis francophones ont déjà accepté la réforme de l'État. Il leur faut seulement un contexte qui se voudrait dramatique pour céder tout en sauvant la face vis-à-vis de leurs électeurs. Pèsent aussi sur les dirigeants du PS les élections régionales prévues pour juin 2009, qui auront pour enjeu pour de permettre à ce parti de tenter de reprendre sa place de leader devant le Parti Libéral... ou de perdre encore des voix.
Ces élections, qui décideront de la composition des gouvernements régionaux, posent autant de problèmes aux grands partis flamands, entre autres à Yves Leterme et à son parti, le CD&V (Chrétiens Démocrates et Flamands). Sous la pression de l'extrême droite flamande, ils ont tous adopté un discours de plus en plus nationaliste et conclu des partenariats avec des petits partis nationalistes.
Dans ces circonstances, les différends communautaires prennent une importance démesurée et masquent l'essentiel, à savoir que toutes les politiques mises en oeuvre ne visent que la dégradation des conditions de vie de tous les travailleurs, qu'ils soient flamands ou wallons.
D'ailleurs, sur les dossiers « socio-économiques », les protagonistes du gouvernement fédéral n'ont pas eu de difficultés à se mettre d'accord. Il n'y a là rien de typiquement belge. Cette politique, qui consiste à prendre aux travailleurs et aux pauvres pour donner aux riches, est menée par tous les gouvernements européens.
Quant à la population, cela fait longtemps qu'elle a perdu le fil. Beaucoup considèrent à juste titre que la crise communautaire est un problème créé et entretenu par les politiciens. Mais, de crise en crise, l'idée fait son chemin que « cela ne fonctionne plus », qu'une réforme, voire le divorce entre Flamands et Wallons, devient nécessaire.
Mais d'autres perspectives sont possibles, qui viendraient du monde du travail lui-même. Quand, en janvier 2008, la grève pour l'augmentation des salaires des travailleurs de la sous-traitance de l'automobile en Flandre avait fait tache d'huile, la peur du patronat et des politiciens de la voir s'étendre en Wallonie était palpable. C'est là la seule perspective valable pour les travailleurs, pour défendre leurs intérêts face au patronat et, par la même occasion, pour refuser d'être divisés entre eux.