17 octobre 1961 : une reconnaissance tardive et limitée03/04/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/04/une_2905-c.jpg.445x577_q85_box-2%2C0%2C713%2C922_crop_detail.jpg

Leur société

17 octobre 1961 : une reconnaissance tardive et limitée

Jeudi 28 mars, l’Assemblée nationale a adopté une résolution visant à la reconnaissance et à la condamnation du massacre des Algériens lors de la manifestation du 17 octobre 1961.

L’Assemblée qui a adopté ce texte était très clairsemée : 82 députés sur 577 ont pris part au vote. Les députés RN présents ont évidemment voté contre, refusant de remettre en cause le rôle de la police ainsi que la politique coloniale française en Algérie. Les députés LR étaient opportunément absents, sauf un qui s’est abstenu. Dans les autres groupes, la plupart des députés présents ont voté la résolution.

Et pour cause : le texte est très consensuel, après que la version initiale proposée par la députée écologiste Sabrina Sebaihi a été réécrite, chaque mot ayant fait l’objet d’une négociation avec l’Elysée pendant plus d’un an. Macron a refusé que soit employée l’expression de « crime d’État », et le texte final dénonce le massacre commis « sous l’autorité du préfet de police de l’époque, Maurice Papon », comme si c’était le fait d’un seul homme. En octobre 2021 déjà, Macron avait assisté à un hommage officiel aux victimes du massacre, et avait attribué sa responsabilité au seul Maurice Papon, sans même citer alors sa fonction de préfet de police de Paris.

Il y a là une façon de dédouaner de Gaulle, président de la République de l’époque, son gouvernement, ainsi que les gouvernements précédents dont plusieurs étaient de gauche, dirigés successivement par Pierre Mendès-France, puis par le socialiste Guy Mollet, avec François Mitterrand comme ministre de l’Intérieur, puis de la Justice. À partir de 1954, tous ont couvert sinon organisé les massacres, les arrestations, la torture et la terreur contre les militants du FLN et la population algérienne. En France aussi, les Algériens subissaient le racisme et la violence de l’État, de sa police, les arrestations et les mauvais traitements.

C’est dans ce contexte que, le 4 octobre 1961, Papon a instauré un couvre- feu en région parisienne pour les seuls musulmans algériens, c’est-à- dire un couvre-feu au faciès, la police ne faisant pas de différence entre les travailleurs algériens, tunisiens ou marocains. Avant même le 17 octobre, des plaintes avaient été déposées pour des disparitions d’Algériens après leur arrestation. Elles se sont multipliées après la manifestation organisée par le FLN pour protester contre le couvre- feu. Alors que les autorités ne reconnaissaient que trois morts, des dizaines de manifestants étaient recherchés par leurs proches les jours suivants, et les historiens estiment qu’il y a eu jusqu’à 300 morts, passés à tabac à coups de crosse et de gourdin, certains tués par balle avant d’être jetés dans la Seine.

C’est l’ensemble de l’État français, l’armée, la police, la justice, qui a mené cette guerre et cette répression féroces, et qui est responsable du massacre du 17 octobre 1961. Derrière une reconnaissance formelle et bien mesurée, c’est bien cela que veut camoufler cette résolution.

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