Tunisie : dans l’étau des puissances financières29/03/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/03/2852.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Tunisie : dans l’étau des puissances financières

Sur les côtes tunisiennes, les naufrages d’embarcations de migrants se multiplient. Plusieurs dizaines ont perdu la vie au large de Sfax et de Mahdia, entre le 23 et le 25 mars. Le nombre de morts s’accroît, parallèlement au désespoir des familles et des jeunes, acculés au départ.

Poussés par la misère, beaucoup fuient aussi les réactions racistes encouragées par le pouvoir, dans un contexte d’aggravation de la crise économique. Plus de 32 000 migrants seraient arrivés sur les côtes italiennes en provenance de Tunisie, d’après les autorités de ce pays. C’est le refus de les accepter qui a conduit la première ministre italienne, Georgia Meloni, et Macron à lancer le 24 mars un appel à contenir la « pression migratoire » que représenterait pour l’Europe ce petit pays du Maghreb ! Les deux dirigeants seraient donc prêts à intervenir pour que soit versée une aide financière à la Tunisie, de plus en plus en situation de faillite budgétaire, afin qu’elle garde ses candidats au départ.

Voie de passage vers l’Europe pour des milliers de jeunes venus de Côte d’Ivoire, du Burkina faso, du Niger, de Guinée, du Mali, la Tunisie est proche de l’île italienne de Lampedusa. Mais 150 kilomètres à parcourir entassés à bord d’une coquille de noix, en proie à la tempête comme ce fut le cas lors des récents naufrages, c’était la mort assurée pour une grande partie d’entre eux. « Il y avait des bébés, raconte un des rescapés, ils sont tous morts. » Repêchés par des pêcheurs ou parfois par des garde-côtes tunisiens, certains bateaux de migrants ont également été attaqués par ces derniers, qui voulaient les faire chavirer.

Les attaques xénophobes lancées contre les migrants il y a un peu plus d’un mois par le président Kais Saied, pour en faire des boucs émissaires dans la crise économique, ont acculé nombre de ces réfugiés subsahariens au départ. Travailleurs précaires pour la plupart, vivant parfois en Tunisie depuis des années, ils se sont souvent retrouvés sans emploi, chassés de leur logement, voire en butte à des agressions racistes.

La situation des douze millions d’habitants, sans même parler des réfugiés, n’a cessé de s’aggraver avec la crise. Alors que le déficit budgétaire de la Tunisie se creuse, la Banque mondiale a suspendu début mars tout nouveau financement, prenant prétexte des propos xénophobes de Kais Saied. Le FMI quant à lui conditionne toujours le versement de la première tranche de l’aide promise, 500 millions de dollars sur un total de 1,9 milliard en quatre ans, aux prétendues réformes qui devraient être imposées à la population. Le pouvoir hésite encore à lancer ce qui serait une saignée, consistant à cesser de subventionner le carburant et certains produits de première nécessité, à bloquer les salaires des milliers de travailleurs des entreprises publiques. En outre, la loi relative à la gouvernance des entreprises publiques viserait à opérer des coupes claires, non seulement dans les effectifs, mais dans les dotations, subventions et autres subsides qui disparaissent dans d’autres poches que celles des employés.

Inflation, chômage, salaires et primes non versés alimentent le mécontentement social sans que le pouvoir de Kais Saied, de plus en plus dictatorial, soit en mesure de trouver des solutions. Pendant que les capitalistes français, premiers investisseurs avec 187 millions d’euros en 2022, s’enrichissent grâce au travail de 140 à 150 000 salariés, la plus grande partie de la population des régions sinistrées survit d’expédients, sans les infrastructures minimum de transports publics et de santé. Pris en étau entre la fuite en avant du pouvoir, qui multiplie les menaces et les arrestations d’opposants, une bourgeoisie tunisienne corrompue et avide, et la poigne inexorable des capitalistes internationaux, les travailleurs, les jeunes sans emploi, les pauvres des campagnes et les réfugiés ont bien des intérêts de classe en commun.

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