Pollution : l’État complice des industriels19/10/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/10/2829.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Pollution : l’État complice des industriels

Le Conseil d’État vient de condamner l’État à une astreinte de 20 millions d’euros pour son incapacité à ramener les niveaux de pollution de l’air au-dessous des seuils réglementaires depuis le 1er juillet 2021.

Les particules, principalement de dioxyde d’azote, sont en concentration bien trop élevées dans les principales agglomérations, ­Paris, Lyon et Marseille. Elles provoquent des cancers du poumon chez les non-fumeurs, des cancers du sein, des accidents vasculaires cérébraux, des maladies cardiovasculaires… Dans l’ensemble du pays, la pollution de l’air est à l’origine d’au moins 40 000 décès prématurés chaque année.

La décision du Conseil d’État va-t-elle améliorer la situation ? C’est peu probable, car elle fait suite à une première décision de 2017 ordonnant à l’État de prendre « toutes les mesures nécessaires » pour mettre fin aux dépassements des seuils de concentration de particules « dans le délai le plus court possible ». Puis en 2019, la Commission européenne a mis en demeure la France d’« actions rapides et efficaces », en vain. La Cour de justice européenne a ensuite condamné la France pour avoir « dépassé de manière systématique et persistante la valeur limite annuelle pour le dioxyde d’azote depuis le 1er janvier 2010 », ce qui n’a rien changé. Enfin le Conseil d’État a prononcé l’an dernier une astreinte de 10 millions d’euros au titre du premier semestre 2021, puis à nouveau le 17 octobre une autre de 20 millions pour deux autres semestres.

À qui revient le montant de ces amendes ? Pour une infime part aux associations environnementales qui ont initié ces procédures juridiques. La presque-totalité vient financer les agences de l’État en charge de la surveillance de la pollution et de ses effets sur la santé, dont de toute façon le gouvernement se doit d’alimenter le budget. En clair, l’État économise d’un côté ce que lui coûtent les amendes de l’autre. Ces condamnations égratignent tout au plus un peu la communication gouvernementale sur sa volonté de préserver l’environnement.

« La lenteur de l’État est incompréhensible. Nous demandons simplement l’application de la directive ­européenne de 2008 sur la qualité de l’air », a déclaré l’avocat des Amis de la Terre. Mais aucune mesure efficace n’est prise parce qu’elles devraient aller contre les intérêts des grands groupes capitalistes, qui organisent la production en se moquant de ces effets sur la santé et l’environnement. L’État ne peut pas « simplement » les contraindre.

Par contre, pour ne pas être pris en défaut sur la qualité de l’eau consommée par la population, le gouvernement a fait le nécessaire. Deux molécules inquiétantes pour la santé humaine, l’ESA-métolachlore et le NOA-métolachlore, issues de la décomposition des pesticides, rendaient jusqu’à présent l’eau non conforme aux normes de consommation pour douze millions de personnes. Eh bien, le 30 septembre, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a renversé son propre avis de 2021 en décidant qu’elles n’étaient plus inquiétantes. Le seuil d’alerte pour la concentration de ces molécules étant relevé, l’eau consommée, dont la composition n’a pas changé, va devenir par magie administrative conforme aux nouvelles normes. Que ­voilà une action environnementale dont peut se féliciter le gouvernement !

Partager