Prix des céréales : obus russes et spéculateurs mondiaux12/07/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/07/2815.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Prix des céréales : obus russes et spéculateurs mondiaux

Les autorités ukrainiennes accusent depuis plusieurs jours l’armée russe d’incendier délibérément les champs de blé, de « détruire les greniers à céréales et les matériels agricoles ». Cela n’a rien d’invraisemblable, au contraire, car chaque camp frappe aussi bien des objectifs civils que militaires.

Depuis plus de quatre mois qu’elle dure, cette guerre que se mènent, par Ukraine interposée, la Russie et les grandes puissances se déroule sur tous les fronts, dont celui de la communication.

Les médias français et occidentaux ont donc repris l’accusation, répétant que l’armée de Poutine pratique la politique de la terre brûlée, au propre comme au figuré.

Il est vrai que cette accusation a un double avantage à leurs yeux. Elle désigne à l’opinion de leurs pays la Russie comme responsable de la flambée des prix de produits de consommation courante (pain, pâtes, huile de tournesol, etc.), dans la composition desquels on trouve des céréales ou d’autres plantes dont l’Ukraine est un des premiers producteurs mondiaux.

Cette propagande se veut en outre humanitaire, insistant sur le sort des pays pauvres dont la population, surtout en Afrique, dépend à 40 % du blé ukrainien et russe, alors que le premier brûle et le second se vend au prix fort.

Cette bonne conscience cache mal une série de mensonges éhontés, voire odieux. Car si l’Afrique notamment dépend de telles importations pour se nourrir, c’est bien parce que la domination coloniale, française et anglaise puis impérialiste, y a étranglé les cultures vivrières, vouant une grande partie de sa population à dépendre totalement des importations et donc à un état de quasi-famine permanent.

Quant aux prix des céréales, et des produits alimentaires qui en dérivent, s’ils flambent partout, cela ne date pas de cette guerre. De juillet 2021 à février 2022, donc avant que la Russie lance ses chars sur son voisin, celui du blé a augmenté de 50 % en moyenne, passant de 200 à 300 euros la tonne. Une fois la guerre déclenchée, son prix a continué de croître, atteignant 328,25 euros le 4 juillet. Un peu moins rapide pour l’heure, cette hausse affiche en revanche de fortes fluctuations, ce qui est révélateur d’un marché spéculatif. Les grosses sociétés de courtage et les géants de l’agro-alimentaires mènent le bal à la Bourse mondiale des produits agricoles de Chicago, sur laquelle se calent les producteurs et spéculateurs du monde entier.

Les médias d’ici interviewent volontiers des fermiers des environs de Zaporijjia ou Mikolaïv se désolant devant leur champ qui brûle. Mais les mêmes se gardent de souligner que ce sont les oligarques ukrainiens ainsi que des capitalistes occidentaux qui ont mis la main sur d’immenses superficies des meilleurs terres d’Ukraine, qu’ils font cultiver, pour des salaires de misère, par des ouvriers agricoles ou des paysans appauvris. Cela avec la bénédiction de Zelensky, ce président que l’Occident encense et dont le programme électoral comportait, entre autres, une large privatisation de la terre voulue par le Fonds monétaire international.

Protégés par Zelensky et les États occidentaux, les prédateurs de l’agriculture ukrainienne savent se faire entendre et ont les moyens de tourner en partie le blocus des ports de la mer Noire par la marine russe. L’Allemagne, entre autres, les y aide et aide son propre marché agro-alimentaire en mettant à leur disposition des trains de la DB (l’équivalent allemand de la SNCF) pour faire sortir du pays d’énormes quantités de céréales. Certes, pour en transporter autant qu’un vraquier, il faut quinze trains. Mais, à la guerre comme à la guerre, les groupes capitalistes qui opèrent en Ukraine ont quand même pu ainsi exporter depuis février un cinquième de sa production de blé.

Si l’Ukraine et la Russie sont de gros exportateurs de céréales, les États-Unis, la France et le Canada, leurs principaux rivaux en ce domaine, se trouvent bien placés pour profiter des conséquences de la guerre. Elle leur offre la possibilité d’arracher des marchés dans certains pays et de permettre à leurs grands groupes et autres spéculateurs de gonfler leur profits en imposant des hausses de prix de denrées alimentaires à l’échelle du globe, tout en accusant le Kremlin !

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