Dans le monde

Nicaragua : l’ex-guérillero devenu dictateur

Sans surprise, dimanche 7 novembre, le président sortant du Nicaragua, Daniel Ortega, a été réélu avec 75 % des voix ; les électeurs devaient également renouveler les députés.

Le président sortant avait pris soin de verrouiller ces élections en emprisonnant ses principaux opposants et en interdisant les trois partis susceptibles de le concurrencer, ne laissant en lice que des petits partis satellites du régime. Cette élection c’était « Ortega contre Ortega », comme le résumait la rue.

En 1979, le Front sandiniste de libération nationale (FSLN), devenu aujourd’hui le parti godillot d’Ortega, était un groupe de guérilleros qui avait lutté et renversé la dictature pro-américaine de Somoza qui, de 1936 à 1979 soit pendant 43 ans, avait régné sur ce pays qu’il appelait « son ranch ».

Désormais le ranch a changé de propriétaire et appartient au couple de Daniel Ortega et de sa compagne, Rosario Murillo, qui règne sans partage sur le Nicaragua depuis 2007.

Les sandinistes, alors combattus par les États-Unis dirigés par Reagan, avaient été à la tête du pays de 1979 à 1990, date à laquelle ils avaient perdu l’élection au profit de la droite. Ortega jura alors que, s’il revenait aux affaires, il ne lâcherait plus le pouvoir.

C’est ainsi que, de 2007 à 2017, il a gouverné en partenariat avec les principaux groupes capitalistes qui dominent la vie économique du pays, de grandes familles qui ont fait leur fortune dans la finance, les télécommunications ou l’agro-alimentaire, le café notamment. Dans cette période, Ortega a multiplié les réformes réduisant la part revenant à la population, jusqu’à la réforme de trop qui a jeté dans la rue les ouvriers, les paysans, la jeunesse et les quartiers populaires.

L’explosion sociale d’avril 2018 s’est prolongée durant trois mois. Cramponné à son pouvoir, Ortega a envoyé ses policiers et ses nervis réprimer dans le sang ce mouvement, ce qui a coûté la vie à près de 400 personnes, et en a blessé 2 000. Il a jeté en prison de nombreux opposants, qui y croupissent depuis. Le Nicaragua est devenu un État policier, qui met la pression sur la population pour la décourager de reprendre le chemin de la lutte.

En prévision des élections, Ortega a assuré son quatrième mandat. Fin 2020, l’arsenal législatif a été renforcé pour menacer de prison à perpétuité ceux qui commettraient des « crimes de haine », une formule assez vague pour permettre tous les arbitraires. À partir de mai-juin 2021, une trentaine d’opposants, d’anciens alliés des partis bourgeois ou d’anciens combattants du Front sandiniste, ont été emprisonnés et leurs proches assignés à résidence. Entre mai et août 2021, le Conseil suprême électoral censé veiller à la bonne marche des élections, en réalité un instrument au service du couple Ortega-Murillo, a annulé le statut légal des trois principaux partis d’opposition, ainsi interdits d’élection.

La politique d’Ortega lui a aliéné des soutiens et a déclenché des sanctions qui le privent de certaines lignes de crédit venant des États-Unis ou de l’Union européenne. Il parvient cependant à slalomer entre les aides et subventions internationales et espère ainsi se maintenir le plus longtemps possible, affichant par ailleurs un anti-­impérialisme aussi virtuel que les sanctions prises contre lui par les États-Unis. En effet ni les uns ni les autres ne veulent nuire aux groupes capitalistes du Nicaragua. Et toutes les difficultés que rencontre la population sont mises au compte de la pandémie.

Bien involontairement, Ortega a aussi montré que le salut ne peut venir ni des urnes, ni même d’un groupe de guérilleros décidés. Le changement, pour les classes populaires, nécessite non seulement leurs mobilisations et leurs luttes, mais aussi l’établissement d’un véritable pouvoir prolétarien placé sous leur contrôle permanent.

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