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- Lutte ouvrière n°2900
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Editorial
Travailleurs des champs comme des villes : renverser la dictature du capital plutôt que de la subir toujours plus
Les sifflets qui ont accueilli Macron et les échauffourées au Salon de l’agriculture ont montré la colère intacte des agriculteurs. Sous la pression des manifestants, Macron a été contraint de faire de nouvelles annonces.
Il a promis une année blanche pour le remboursement des crédits des exploitations en difficulté. Cette mesure, réclamée par les agriculteurs, l’État ne la proposera jamais aux ménages ouvriers surendettés.
Il annonce un prix plancher pour chaque production, basé sur les coûts réels des agriculteurs. Mais les travailleurs au smic savent bien qu’un salaire plancher ne permet pas de sortir de la pauvreté. Garantir un prix minimum était déjà l’objectif de la loi Egalim, votée en 2018, revue en 2021. Sans résultat car, dans la jungle qu’est l’économie capitaliste, les prix résultent des rapports de force, au niveau mondial, entre les groupes de l’agroalimentaire et ceux de la distribution.
Le groupe Lactalis saigne les producteurs de lait pour que la famille Besnier se maintienne dans le groupe de tête des fortunes françaises. Les petits agriculteurs crèvent pour que Danone, Bigard, Carrefour et autres distribuent des dividendes historiques à leurs actionnaires.
Les agriculteurs, relayés par les politiciens en campagne, dénoncent les importations de l’étranger. Mais les entreprises qui étranglent les petits agriculteurs sont bien françaises. La France exporte plus de produits laitiers ou de vin qu’elle n’importe de fruits et légumes. Le groupe Avril (huile Lesieur, etc.), dirigé par Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA, premier syndicat agricole, réalise la moitié de ses affaires à l’étranger.
Les céréaliers ou les volaillers, en France comme en Pologne, dénoncent la concurrence ukrainienne déloyale. Mais, derrière les exportations de poulet ou de blé ukrainiens, il y a d’immenses firmes agricoles dans lesquelles ont investi les financiers occidentaux, y compris les banques françaises BNP et Natixis.
Dans l’agriculture comme dans tous les secteurs, il y a deux camps. D’un côté, il y a ceux qui produisent et vivent de leur travail, les petits exploitants agricoles mais aussi, plus nombreux, les ouvriers agricoles – auxquels on ne donne jamais la parole –, sans parler des salariés des laiteries, des abattoirs ou du transport. De l’autre côté, il y a ceux qui encaissent les profits parce qu’ils possèdent les capitaux.
Le rôle de l’État est toujours de défendre les intérêts des capitalistes les plus puissants, jamais ceux des travailleurs qui s’usent la santé. Macron n’imposera pas plus de contraintes à Lactalis pour qu’il paie les agriculteurs au juste prix qu’il n’a voulu taxer les profits de Total ni lui imposer de plafonner le prix de l’énergie.
Quant à Le Pen et Bardella, ils draguent les agriculteurs en leur parlant de souveraineté nationale. Plusieurs dirigeants de la Coordination rurale s’affichent pour le RN. Mais, si Le Pen arrive au pouvoir, elle se soumettra comme les autres aux exigences des capitalistes et des financiers, oubliant les promesses faites aux agriculteurs comme aux travailleurs qui se laisseraient berner.
Cette idylle entre le RN et certains agriculteurs doit être un avertissement pour les travailleurs. Dans cette période où l’économie capitaliste s’enfonce dans la crise, les difficultés des petits agriculteurs, commerçants, artisans ne peuvent que s’aggraver et alimenter leur rage.
Encadrés par des démagogues d’extrême droite, ces petits patrons pourraient s’en prendre aux salariés, qui ne travaillent « que 35 heures » ; aux chômeurs, accusés de ne pas venir ramasser leurs pommes ; aux habitants des quartiers pauvres, accusés d’être des assistés. S’en prendre aux travailleurs ne sauvera pas les petits patrons de la faillite, mais servira les intérêts des capitalistes.
Pour éviter ce piège, il est vital que nous aussi, travailleurs salariés, nous nous fassions respecter. Nous aussi, nous sommes étranglés par des charges qui ont explosé, l’essence, l’électricité, la nourriture. Nous aussi, nous travaillons dur pour des salaires qui ne nous permettent pas de vivre. Nous aussi, nous sommes indispensables à la marche de la société.
Les responsables de nos difficultés sont les capitalistes qui s’engraissent sur notre travail. C’est leur dictature qu’il faut renverser. Ce combat-là, seule la classe ouvrière peut le mener jusqu’au bout, car elle n’a ni terres ni fonds de commerce à perdre. Elle doit entraîner derrière elle les autres catégories sociales victimes du système, et pas seulement regarder avec sympathie le combat des paysans.
Mettre fin à la dictature du capital sera bénéfique à tous ceux qui sont écrasés par cette loi du plus fort, et cela ouvrira des perspectives à l’humanité.
Bulletins d’entreprise du 26 février 2024