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Leur société
Hôpital de Reims : un drame qui ne doit rien à la fatalité
Le meurtre d’une infirmière dans les locaux de l’hôpital de Reims et les blessures très graves infligées à une secrétaire médicale ont provoqué une énorme émotion dans les hôpitaux et au-delà.
La Première ministre Borne et le ministre de la Santé Braun ont immédiatement surfé sur cette vague en décrétant une minute de silence le 24 mai dans tous les hôpitaux du pays et en participant à celle qui avait lieu à Reims. Borne a fait part de sa « grande tristesse » et Braun a parlé « d’un drame qui nous anéantit tous ». Borne en a profité pour associer le drame de Reims à la mort dans des accidents de la route de trois policiers dans le Nord et d’un agent de la direction des routes en Charente-Maritime. Le lien entre ces décès n’était pas forcément évident à faire mais c’était l’occasion pour elle de rendre hommage à ceux qui « s’engagent pour servir, protéger et soigner les autres ».
Ces discours s’accompagnent depuis le drame de prétendues mesures concrètes. Braun a annoncé un audit dans la semaine avec à la clé 25 millions d’euros par an. La mesure est dérisoire mais il a précisé sans rire que « s’il faut plus, nous mettrons plus pour corriger tout ça ». De qui se moque Braun ? En 2004, à l’occasion d’un drame identique à Pau ayant entraîné la mort de deux soignants, le ministre de la Santé de l’époque, Douste-Blazy, avait au moins annoncé l’arrêt temporaire de la fermeture des lits de psychiatrie.
Alors, pendant que Braun bavarde, tous les professionnels du secteur dénoncent ce drame comme un révélateur des tensions croissantes dans les hôpitaux, privés de moyens suffisants notamment pour la prise en charge des troubles mentaux. La presse s’est largement étendue sur le cas de l’agresseur de Reims. Présenté comme un « déséquilibré » déjà connu pour avoir agressé quatre personnes, il déclarait en vouloir au milieu hospitalier car il aurait été maltraité depuis des années dans les hôpitaux psychiatriques. On a aussi entendu que ce malade aurait dû être interné pour l’empêcher de nuire et que les agressions contre les soignants étaient de plus en plus nombreuses et violentes. Des journalistes ont même trouvé des professionnels, comme le président de la Fédération nationale des infirmiers pour s’en prendre aux malades, accusés « d’une forme de consumérisme médical », tout en dénonçant la misère des hôpitaux, en remettant en cause « la parole médicale ». S’en prendre ainsi aux malades est scandaleux quand les responsables de cette situation et de ces drames sont à chercher chez les politiciens au pouvoir depuis des années, dans des gouvernements de droite comme de gauche, dont le premier souci a été de faire des économies sur les moyens, notamment en psychiatrie. Et avec des milliers de lits fermés et des recrutements de médecins et d’infirmiers largement insuffisants, comment s’étonner que, pour la seule Île-de-France, les psychiatres parlent de près de 60 000 malades sans prise en charge et livrés à eux-mêmes ?
Pour justifier cette politique d’austérité, les différents gouvernements se sont abrités derrière les avancées réelles ou supposées de la prise en charge des troubles mentaux, et le fait que l’hospitalisation pouvait être remplacée par des structures ouvertes près du lieu de vie. Mais ce qui aurait peut-être pu être un progrès ne pouvait l’être faute de moyens humains et matériels.
On en arrive alors à des drames comme celui de Reims et les larmes de Borne et Braun n’enlèvent rien à leur responsabilité, qui est totale dans leur survenue.