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Turquie : Erdogan reste, la crise continue
Au deuxième tour des élections présidentielles en Turquie, Recep Tayyip Erdogan a été élu, pour la troisième fois, par 52,2 % des voix contre 47,8 % à son adversaire, Kemal Kiliçdaroglu, candidat de l’ensemble des partis de l’opposition, l’Union nationale.
Malgré le rejet d’une grande partie de la population à l’idée d’un troisième mandat, le président et son parti l’AKP l’ont emporté. Erdogan a, au passage, bafoué la Constitution qu’il avait lui-même élaborée et qui lui interdisait de se présenter de nouveau. Dans les sondages, il était donné perdant au premier tour, ce qui était vraisemblable, ne serait-ce qu’en raison de l’incurie manifestée par les pouvoirs publics après le tremblement de terre du 6 février ainsi que de l’incapacité du gouvernement à répondre aux problèmes des classes populaires.
Et, en effet, Erdogan non seulement n’a pas été élu au premier tour, mais jamais l’écart entre son adversaire et lui n’avait été aussi faible. Les 2,8 millions d’électeurs de Sinan Ogan, arrivé en troisième position, appelés à reporter leurs suffrages sur Erdogan, ont pu faire la différence, l’écart au deuxième tour étant d’environ 2,3 millions de voix. Mais, surtout, tous les moyens d’État ont été mobilisés par le président-candidat. Les médias, déjà presque tous à son service, ont été saturés de sa propagande. Les fausses nouvelles, comme celle du soutien apporté à Kiliçdaroglu par le parti nationaliste kurde interdit, le PKK, n’ont pas manqué de circuler. La propagande électorale du candidat de l’opposition a été muselée. Ainsi ce dernier a subi une interdiction d’envoi de SMS aux électeurs, tandis que l’AKP y était autorisée. Les menaces émanaient du ministre de l’Intérieur, qui avait déployé gendarmes et policiers. Enfin, il est certain que des fraudes ont été commises, comme à l’élection présidentielle de 2017 lors de laquelle des quantités importantes de faux bulletins avaient été retrouvés. Lors du dernier scrutin, des opposants, connus, comme le dirigeant du parti communiste turc, le TKP, ont eu la surprise de constater, au dépouillement de son propre bureau de vote, que Kiliçdaroglu n’avait aucune voix.
Cependant, ce dernier, dirigeant du parti kémaliste CHP, allié en l’occurrence avec le Bon parti, nationaliste de droite, a choisi de tourner sa campagne d’entre les deux tours vers les électeurs de l’extrême droite, flattant les préjugés anti-immigrés, attaquant les Syriens dont la situation est de plus en plus difficile en Turquie, menacés de reconduite à la frontière au moindre contrôle policier. Or, dans ce domaine, Erdogan avait de l’avance, de même que dans la propagande militariste et nationaliste antikurde.
Le seul point commun à l’alliance de l’opposition, l’Union nationale, était son hostilité à Erdogan et à l’AKP, son candidat se bornant à quelques promesses de lendemains merveilleux. Les travailleurs, écrasés par la crise et l’inflation, n’avaient pas, et n’ont pas, à lui faire confiance. Pour imposer leur droit à une vie décente, ils ne devront compter que sur leurs propres forces.