Chili : une Constitution ne changera pas la société19/05/20212021Journal/medias/journalnumero/images/2021/05/2755.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Chili : une Constitution ne changera pas la société

Pour cause de pandémie, les électeurs chiliens avaient deux jours, les 15 et 16 mai, pour choisir les 155 délégués qui vont se réunir en Assemblée afin de débattre et écrire une nouvelle Constitution, mettant un terme à celle de 1980, rédigée sous la férule du général Pinochet, dictateur de 1973 à 1990.

Le résultat de ce scrutin est d’abord marqué par une forte abstention – moins de la moitié des 14 millions d’électeurs se sont déplacés – d’autant plus difficile à analyser que le référendum qui avait opté pour cette nouvelle rédaction de la Constitution avait entraîné l’adhésion de 80 % de la population.

À cette abstention s’ajoute un rejet des partis de gouvernement traditionnels qui se sont succédé depuis plus de trente ans. La droite, le parti du président Piñera, uni à l’extrême droite, ne disposera pas de la minorité de blocage qui lui aurait permis de garder le contrôle des travaux de cette Assemblée. Les opposants du centre-gauche et du Parti communiste, qui mettaient en avant la nécessité de garantir l’éducation, la santé ou le logement, ont un meilleur résultat, mais moins que les candidats indépendants, acteurs, écrivains, professeurs, travailleurs sociaux ou avocats.

Une partie de ces derniers avaient largement participé au soulèvement social d’octobre 2019. Celui-ci a débouché sur le rejet de la Constitution de Pinochet, ce qui a permis de lui attribuer tous les maux inégalitaires de la société chilienne et de lancer l’idée qu’une nouvelle Constitution permettra de leur trouver une solution. La refonte de la Constitution a été le moyen trouvé en 2019 par le président réactionnaire et une opposition complice pour reprendre le contrôle d’un mouvement de contestation que les uns et les autres craignaient. La Constitution qui sortira des travaux de cette nouvelle Assemblée, aussi léchée sera-t-elle, ne changera rien à la situation sociale. Au mieux elle ne sera qu’une nouvelle source d’illusions.

Ce n’est pas une nouvelle Constitution qui mettra fin aux maux accablant la société chilienne, une société très inégalitaire, rongée comme bien d’autres par l’emprise exorbitante de la classe riche sur la société et par la corruption de ses divers laquais, politiciens de tous bords, ecclésiastiques, bureaucrates syndicaux, etc.

Dans les neuf à douze mois qui viennent, les 155 élus, où on compte plus de femmes que d’hommes semble-t-il – ce qui devrait écarter plusieurs femmes… au nom de la parité ! – vont donc plancher. Et ce qui en sortira sera encore soumis à référendum en 2022. La pandémie a amplifié le coup d’arrêt porté à la contestation sociale. Ce mécanisme en rajoute encore.

Les participants du mouvement d’octobre 2019, travailleurs, jeunes, femmes, minorités exploitées, qui aspirent à une société plus égalitaire, devront garder à l’esprit que les luttes sociales font avancer la cause des exploités, bien plus que les sables mouvants du parlementarisme.

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