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Leur société
Semi-conducteurs : les raisons d’une pénurie
Après le manque de masques, de tests et de vaccins, une nouvelle pénurie frappe l’économie mondiale, celle des semi-conducteurs. C’est dans l’industrie automobile, qui utilise de plus en plus ces composants électroniques de haute technologie, qu’elle est la plus visible.
Aux États-Unis et en Europe, les constructeurs automobiles ont mis des chaînes de production à l’arrêt. En France, Renault a arrêté pendant deux jours son usine de Sandouville et aussi celle de Flins.
En mars dernier, quand le gouvernement français a annoncé le premier confinement, les constructeurs automobiles ont gelé leurs commandes auprès de leurs équipementiers comme Valeo, Faurecia ou Bosch, qui à leur tour ont annulé leurs commandes auprès des producteurs de semi-conducteurs. Ceux-ci entrent en effet de plus en plus dans la conception des modules des voitures modernes : dans le contrôle des systèmes de freinage, des airbags, de l’alimentation en carburant des moteurs… Et quand les usines automobiles ont augmenté à nouveau leur production, les équipementiers, qui avaient misé sur le fait que leurs stocks leur suffiraient, se sont retrouvés en manque de composants électroniques, obligés de relancer des commandes en catastrophe.
Or l’industrie du semi-conducteur est extrêmement concentrée. La course à la miniaturisation et à la puissance croissante des circuits électroniques a fait qu’aujourd’hui il faut pouvoir produire et vendre ces circuits électroniques par centaines de milliers pour que cela devienne rentable. Au point que les leaders de l’électronique mondiale, essentiellement américains et japonais, en sont venus à se décharger de la production, qu’ils ont confiée à quelques sous-traitants, pour se focaliser sur la conception des circuits, activité bien plus rentable. Actuellement, la production mondiale de tous les semi-conducteurs est donc réalisée par quelques très grosses firmes essentiellement situées à Taïwan et en Corée du Sud.
Le plus gros fabricant est le taïwanais TSMC, qui produit par exemple les puces électroniques des téléphones et des ordinateurs de l’américain Apple, mais aussi 70 % des puces du secteur de l’automobile. Ce goulot d’étranglement productif ne date donc pas d’hier.
Il est le fruit des choix industriels et commerciaux des grands trusts de l’électronique, mais il s’est aggravé cette année avec la forte demande en ordinateurs due au développement du télétravail et à l’arrivée des téléphones 5G. Alors les commandes se bousculent, les usines de production marchent à plein rendement. Les livraisons se font avec des délais énormes, car il faut des mois pour mettre en place une ligne de production adaptée à un produit électronique spécifique : les puces des téléphones Apple n’ont rien à voir avec celles d’un moteur de voiture.
Les arrêts de production dans l’automobile sont sans doute en partie exagérés et utilisés par les constructeurs pour faire pression sur leurs gouvernements européens et américains, pour qu’eux-mêmes contraignent le gouvernement taïwanais et les producteurs de semi-conducteurs à faire passer les commandes de l’automobile avant celles des autres secteurs.
Les leaders de l’électronique mondiale, eux, veulent profiter de la crise pour obtenir des milliards d’euros ou de dollars d’aides publiques supplémentaires, au nom de « l’indépendance économique nationale ». Aux États-Unis, les géants Intel, AMD et Qualcomm, qui conçoivent et parfois produisent les micro-processeurs de très nombreuses marques d’ordinateurs, ont écrit au nouveau président Joe Biden pour réclamer des financements substantiels et des subventions.
La guerre économique va bon train. Et les milliards vont pleuvoir pour ces industriels, c’est certain. Mais rien ne dit qu’ils seront utilisés pour développer de nouvelles lignes de production de semi-conducteurs, qui coûtent très cher et ne sont rentables que si la production est considérable. Le mouvement de concentration dans ce domaine ne tombe pas du ciel. Le mois dernier, alors que la pénurie de semi-conducteurs était déjà criante, le producteur américain Intel a annoncé qu’il allait sous-traiter la production de ses micro-processeurs… au taïwanais TSMC.
C’est l’organisation de la production elle-même qui est aberrante et engendre des pénuries. Quoi qu’il en soit, les géants industriels du monde entier y trouvent leur compte.