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Chili : la Constitution de Pinochet désavouée
ll y a un an, le 12 novembre 2019, le Chili, connaissait la plus importante manifestation depuis la chute de la dictature. Elle mobilisait les travailleurs de la centrale syndicale, la CUT, la jeunesse et la population des quartiers.
Une conséquence en a été, ce 25 octobre, un référendum où près de 15 millions d’électeurs ont approuvé à 78,28 %, une nouvelle Constitution. La Constitution héritée de la dictature de Pinochet, qui a duré de 1973 à 1990, a ainsi été désavouée.
Plus de la moitié des inscrits s’étant déplacés pour participer à ce vote, c’est aussi un désaveu pour le président conservateur Sebastian Piñera, qui avait multiplié les obstacles et espéré que le quorum ne serait pas atteint. Il a sauvé la face avec des phrases creuses sur l’unité, tandis que des dizaines de milliers de personnes exprimaient leur joie dans la capitale Santiago, notamment place d’Italie, rebaptisée place de la Dignité par le mouvement démarré un an plus tôt. Celui-ci s’en était pris notamment à la Constitution de Pinochet, qui prévoyait, sous la protection de la police, de l’armée, des tribunaux et des États-Unis, la privatisation de tout ce qui pouvait l’être.
La dictature a ainsi démantelé les infrastructures de chemin de fer pour favoriser le transport routier, entraînant une envolée des prix des denrées au point qu’actuellement 30 % de la population souffre de la faim. Le système des retraites a été livré à des fonds de pension, qui ont réduit le montant de celles des salariés, tandis que grossissait la fortune du promoteur du système, un frère de l’actuel président. Le système de retraite par répartition, plus sûr, n’a été maintenu que pour la police et l’armée, deux corps à préserver ! Dans l’enseignement, les universités privées se sont multipliées et les droits d’inscription ont bondi, endettant pour des années les étudiants et écartant les enfants des classes populaires.
Il y a un an, étudiants, travailleurs et habitants des quartiers pauvres, rejoints par les organisations féministes, avaient dénoncé la présidence de Piñera, une grande fortune d’un pays où les fortes inégalités ont été creusées par la dictature. Le mouvement de contestation avait commencé après l’augmentation du prix du ticket de métro. Quelques centimes d’augmentation pouvaient sembler dérisoires, mais pas pour des travailleurs dont le salaire n’excède pas 300 euros. Lancé par les étudiants, le mouvement avait pris de l’ampleur sous le mot d’ordre : « Ce n’est pas pour les 30 pesos d’augmentation mais pour 30 ans d’un régime injuste. » Les manifestants n’oubliaient pas le sort des Indiens mapuches qui, comme en Argentine, ont vu leurs terres volées hier par les grands propriétaires terriens, aujourd’hui par des multinationales, et toujours sous la menace de bandes armées.
Le régime avait répondu par une violente répression faisant 30 morts, 3 500 blessés et avait arrêté 20 000 personnes, sans réduire la contestation. Les syndicats ouvriers et l’opposition de gauche avaient alors formé une alliance et appelé à des mobilisations, notamment celle, massive, du 12 novembre 2019.
Pour sortir de la crise le pouvoir avait proposé un référendum. Pour faire approuver une nouvelle Constitution, il avait eu le soutien de l’opposition, à l’exception du Parti communiste. Alors que ce référendum aurait dû se dérouler en avril, la pandémie avait entraîné son report.
Les électeurs devaient répondre à deux questions : Voulez-vous un changement de Constitution ? Et, si oui, rédigée par des citoyens, avec ou sans les élus ? Les votants ont répondu massivement, pour un changement et pour une convention écartant les élus. Pour la suite, il est prévu l’élection en avril 2021 d’une convention qui devra rédiger la nouvelle Constitution dans un délai de neuf à douze mois. On sera alors en 2022 et il y aura encore un autre référendum pour l’approuver.
Tous ceux qui ont voulu rejeter la Constitution de Pinochet ont sans doute aujourd’hui un sentiment de victoire. Mais, pour Piñera et son régime, ce référendum sur la question constitutionnelle a surtout été un dérivatif pour sortir de la situation difficile où les avait mis le mouvement de 2019 et pour gagner du temps. Ceux qui se sont mobilisés ne devront pas se laisser endormir par ces manœuvres.