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Brésil : la réforme des retraites contestée dans la rue
Vendredi 14 juin au Brésil, des millions de salariés et d’étudiants ont répondu à l’appel des dix confédérations syndicales contre la réforme des retraites et la réduction des fonds consacrés à l’éducation.
Des banderoles et des militants réclamaient aussi le départ de Bolsonaro, le président réactionnaire en fonction depuis le début de l’année, celui du ministre de la Justice Sergio Moro, et la libération de l’ex-président Lula.
Les appels à la grève visaient avant tout les transports, qui ont été perturbés dans la majorité des grandes villes. Le matin à Sao Paulo par exemple, une des six lignes du métro était fermée et trois fonctionnaient au ralenti, tandis qu’à Bahia les bus étaient bloqués. Beaucoup d’enseignants et d’étudiants étaient aussi en grève, ainsi que des secteurs comme celui du pétrole menacé par les privatisations. Ainsi, presque toutes les raffineries de Petrobras ont cessé de fonctionner, de même que la poste, les banques, la métallurgie des banlieues ouvrières de Sao Paulo. Selon la CUT, principale confédération syndicale, 45 millions de salariés auraient participé à cette journée.
Dans la soirée, plus de 150 villes ont été parcourues par des manifestations. Un peu partout, des autoroutes et des avenues étaient coupées. À Sao Paulo, les accès à l’aéroport de Guarulhos, le plus important du pays, ont été bloqués par les manifestants. Selon la presse, les cortèges étaient moins fournis que ceux des 15 et 30 mai contre les coupes dans le budget de l’Éducation, et en effet, les travailleurs manifestent souvent moins facilement dans la rue que les étudiants. Mais tous les présents exprimaient le rejet de la réforme des retraites présentée par le gouvernement.
Patrons et gouvernants veulent que les salariés travaillent plus longtemps et touchent une pension réduite. Alors qu’aujourd’hui les travailleurs qui cotisent, soit environ un sur deux, partent en retraite autour de 50 ans, la réforme imposerait un âge minimum de 65 ans pour les hommes et de 62 pour les femmes. De plus, il faudrait pour partir avoir cotisé vingt ans, au lieu de quinze, et quarante ans pour toucher la pension complète. Avec ces nouvelles conditions d’âge et de contribution, le gouvernement espère 200 milliards d’économies sur dix ans. Et encore, il a accepté d’édulcorer son plan, qui prévoyait au départ 300 milliards d’économies et le passage à la retraite par capitalisation.
Devant une telle attaque, toutes les directions syndicales ont dû réagir. Mais les plus collaborationnistes, comme la Force syndicale ou l’UGT, s’affirment déjà prêtes à négocier les détails du plan. De nombreux députés proposent leurs amendements. Quant aux gouverneurs des 27 États, y compris ceux du camp pro-Lula, ils sont pour la réforme : étant de gros employeurs, ils vont y gagner. Le candidat du Parti des travailleurs qui a remplacé Lula à la présidentielle, Haddad se contente lui aussi de contester certains points de la réforme.
Bolsonaro aura cependant du mal à réunir sur son projet les trois cinquièmes des 513 députés, nombre nécessaire parce que le système des retraites est défini par la Constitution. Le PSL, le parti du président, n’a qu’une cinquantaine de députés. Il lui faudra en convaincre ou en acheter 250. Vu l’impopularité de la réforme, les députés hésitent et les prix montent.
La tâche sera d’autant plus difficile que le ministre de la Justice, Sergio Moro, est mis en cause par les révélations d’Intercept Brasil, un site d’information et de piratage informatique. Les conversations téléphoniques de Moro, alors juge à Curitiba, montrent que, dans le scandale de corruption autour de Petrobras, il a orienté l’enquête exclusivement sur Lula et ses alliés, en épargnant l’opposition de droite. Le juge, censé être impartial, a fait condamner Lula à douze ans de prison, tout en épargnant volontairement la droite. Ces révélations sonnent le glas de la garantie de compétence et d’intégrité que Moro apportait à ce gouvernement, peuplé d’incapables et d’illuminés sectaires à l’image de Bolsonaro.
Quelles que soient les hésitations des députés, les travailleurs ne peuvent évidemment se fier à eux pour contrer l’attaque contre les retraites. Devant les exigences de la bourgeoisie unanime, les députés de l’opposition de gauche et les dirigeants syndicaux sont eux aussi prêts à les brader, tant il est vrai que c’est la gauche, sous la présidence de Dilma Rousseff, qui avait élaboré les grandes lignes de cette réforme.