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Hong Kong : le pouvoir mis en échec
Dimanche 16 juin, 2 millions de Hongkongais, sur 7,4 millions, ont défilé dans les rues. Ils exigeaient l’abandon total d’un projet de loi permettant l’extradition vers des pays tiers de personnes résidant à Hong Kong.
Les manifestants réclamaient en prime la démission de Carrie Lam, cheffe de l’exécutif qui gouverne cette région administrative spéciale, ancienne colonie britannique rétrocédée à la Chine en 1997 avec un statut juridique particulier.
L’annonce par Carrie Lam, le 15 juin, de la suspension du projet de loi, après une première manifestation massive le 9 juin puis des affrontements entre policiers et manifestants le 12 juin, suivis de 32 arrestations, n’a fait que renforcer la détermination des opposants. La rue a obligé Carrie Lam à s’excuser pour les arrestations, et probablement à enterrer définitivement son projet.
Les médias occidentaux sont prompts à voir, derrière le projet contesté de Carrie Lam, la main de Xi Jinping et des dirigeants chinois pour restreindre les libertés dont jouissent les Hongkongais, en vertu de la règle « un pays, deux statuts » établie en 1997, et pour mieux traquer les opposants. Il est de fait que la petite bourgeoisie de Hong Kong s’est mobilisée à plusieurs reprises depuis la rétrocession, comme en 2014 lors du mouvement dit « des parapluies », pour combattre l’ingérence de Pékin, défendre farouchement le statut particulier de la ville, mais aussi sa situation matérielle privilégiée au regard du reste de la Chine.
Il est incontestable que Carrie Lam est sous la tutelle de Xi Jinping et que l’État chinois est une dictature sans pitié pour ses opposants. Mais Hong Kong, pas plus à l’époque où elle était une colonie britannique que depuis la rétrocession à la Chine, n’a jamais eu grand-chose à voir avec une démocratie. Elle est dirigée par un conseil législatif, le LegCo, dont seuls la moitié des membres sont élus au suffrage universel tandis que les autres sont désignés par des organisations professionnelles ou patronales. Alors que Hong Kong est marqué par de profondes inégalités sociales, les classes riches disposent ainsi officiellement, et pas seulement grâce à leurs capitaux, de privilèges politiques ; privilèges que le courant démocratique mobilisé ces derniers jours ne semble guère contester.
Quant à une loi sur l’extradition, elle est réclamée à intervalles réguliers par la Banque mondiale ou le FMI, qui font mine de combattre le blanchiment d’argent et le crime financier organisé, deux activités qui prospèrent à Hong Kong. C’est d’ailleurs une demande du gouvernement taïwanais, peu favorable à Pékin, de récupérer un criminel réfugié à Hong Kong qui a servi de prétexte à Carrie Lam pour accélérer la mise en place de cette loi. À l’inverse, le statut spécial de Hong Kong, y compris le maintien du droit britannique, son rôle de place financière internationale avec sa monnaie locale, le dollar hongkongais, et sa grande liberté pour la circulation des capitaux, arrange bien les dirigeants chinois. Hong Kong sert autant au capital occidental pour rentrer en Chine qu’au capital chinois pour accéder au marché financier international. Deux tiers des investissements étrangers en Chine passent par Hong Kong, tandis que de nombreuses entreprises chinoises sont cotées à la Bourse de la ville, où elles aspirent des capitaux. Le gouvernement chinois n’a aucun intérêt à fragiliser ou à déstabiliser cette place financière.
Il est légitime que la population de Hong Kong, y compris sa fraction privilégiée, se mobilise pour défendre ses droits démocratiques. Mais son sort est directement lié à celui de la population chinoise et en particulier à ses millions de travailleurs, durement exploités. Aucun droit démocratique ne peut être durable pour la population de Hong Kong si l’immense classe des travailleurs de Chine continue d’être privée de tout droit.